Gaza a connu samedi sa journée la plus sanglante depuis le début de l'opération israélienne destinée à anéantir la capacité du Hamas à frapper Israël, malgré les appels à la trêve des diplomates face à la menace d'une intervention terrestre.

Cinquante-quatre personnes ont été tuées par les tirs israéliens, dont deux neveux du dirigeant du Hamas dans la bande de Gaza, Ismaïl Haniyeh, selon des voisins qui les ont identifiés comme étant Nidal et Alaa Malach.

Parmi les victimes de samedi figurent aussi deux femmes lourdement handicapées, tuées par une frappe sur leur foyer d'accueil. Plusieurs heures après le drame, les sauveteurs retrouvaient encore des lambeaux de leurs corps.

Au total, au moins 159 Palestiniens ont trouvé la mort et 1070 autres ont été blessés dans les raids israéliens depuis le déclenchement mardi de l'opération «Protective Edge».

La nouvelle spirale de violences a été enclenchée après l'enlèvement en juin et le meurtre de trois étudiants israéliens en Cisjordanie, attribués par Israël au Hamas, suivis de l'assassinat d'un jeune Palestinien brûlé vif à Jérusalem par des extrémistes juifs.

La frappe la plus sanglante de samedi a fait près d'une vingtaine de morts, en touchant la maison d'un chef de la police et une mosquée, selon les secours.

Au même moment, l'armée indiquait avoir demandé aux habitants du nord de l'enclave «d'évacuer leur domicile pour leur propre sécurité».

Ces bombardements sont intervenus juste après de nouveaux tirs de roquettes du Hamas en direction de Tel-Aviv, Jérusalem et la Cisjordanie. Aucune victime n'est à déplorer.

Deux roquettes tirées du Liban se sont aussi abattues sur le nord d'Israël, selon l'armée qui dit avoir riposté. Aucun mort n'a été recensé de part et d'autre.

Les forces israéliennes ont assuré avoir visé à Gaza de multiples «cibles associées au Hamas» dont des lance-roquettes, des bases paramilitaires, des caches d'armes, dont l'une dans une mosquée ainsi que la maison d'un haut responsable du mouvement contrôlant la bande de Gaza, Khalil al-Hayya.

En début de soirée, des explosions ont été entendues à Jérusalem, à environ 80 km de Gaza. Les trois projectiles se sont abattus en Cisjordanie, où sont implantées de nombreuses colonies israéliennes, endommageant une maison sans faire de victime. Dans le ciel de Tel-Aviv, les projectiles ont été détruits par le système de défense Iron Dome.

«Les prochaines étapes»

Depuis mardi, quelque 600 roquettes ont frappé l'Etat hébreu et environ 140 ont été détruites en vol. Ces tirs ont fait une dizaine de blessés mais aucun mort.

Enfin, des heurts entre manifestants palestiniens et forces israéliennes ont éclaté samedi soir en Cisjordainie occupée et à Jérusalem-Est, faisant au moins trois blessés par balles dans les rangs des protestataires, selon des sources sécuritaires palestiniennes.

Ce conflit est le plus meurtrier depuis l'opération «Pilier de Défense» en novembre 2012, qui avait déjà pour objectif de faire cesser les tirs depuis Gaza et avait fait 177 morts palestiniens et six israéliens.

Signe qu'une intervention terrestre menace, des dizaines de chars israéliens ont été convoyés sur des colonnes de camions près de la bande de Gaza, selon des journalistes de l'AFP. Plus de 30.000 réservistes sont sur le pied de guerre.

«Nous préparons les prochaines étapes de l'opération, pour que les forces soient prêtes à entrer sur le terrain», a déclaré le porte-parole de l'armée, le général Almoz Moti, même si une telle mesure risque de causer des pertes militaires pour Israël.

L'armée a d'ailleurs indiqué que quatre soldats israéliens ont été légèrement blessés lors d'une opération visant un site de lancement de roquette du Hamas au nord de l'enclave.

Balbutiements diplomatiques

Sur le front diplomatique, le ministre britannique des Affaires étrangères, William Hague, a annoncé qu'il allait évoquer un cessez-le-feu avec ses homologues américain, français et allemand en marge d'une réunion sur le nucléaire iranien dimanche à Vienne.

Le Conseil de sécurité de l'ONU a de nouveau appelé samedi Israël et le Hamas à cesser le feu et à respecter le droit international, en particulier «sur la protection des civils».

Une réunion ministérielle de la Ligue arabe est prévue lundi au Caire pour discuter de la détérioration de la situation à Gaza, et Tony Blair, émissaire du Quartette pour le Proche-Orient, s'est rendu samedi dans la capitale égyptienne.

La chef de la diplomatie italienne, Federica Mogherini, est attendue en Israël et dans les territoires palestiniens du 14 au 17 juillet.

Mais vendredi soir le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a martelé que son pays ne cèderait à «aucune pression internationale», bien que le président américain Barack Obama ait proposé sa médiation.

Le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi a aussi mis en garde samedi contre l'escalade après que l'Egypte eut reconnu vendredi que ses efforts de médiation se heurtaient à «l'entêtement» des protagonistes.

À Gaza, les rues étaient presque désertes dans la journée, en dehors des processions funéraires conduites sous une chaleur écrasante.

Plusieurs ONG ont insisté sur la détérioration de la situation humanitaire, Oxfam assurant ainsi que les raids avaient coupé l'alimentation en eau de plus de 100 000 personnes.

Le Conseil de sécurité appelle à protéger les civils

Le Conseil de sécurité de l'ONU a appelé samedi Israël et le mouvement islamiste palestinien Hamas à cesser le feu et à «respecter les lois humanitaires internationales, notamment sur la protection des civils».

Dans une déclaration unanime, les 15 pays membres du Conseil ont «appelé à la désescalade (des tensions à Gaza), au rétablissement du calme et à la réinstauration du cessez-le-feu de novembre 2012».

Les 15 pays se déclarent «très inquiets à propos de la crise liée à Gaza et pour la protection et le bien-être des civils des deux côtés».

Ils expriment «leur soutien à une reprise des négociations directes entre Israéliens et Palestiniens, avec pour objectif de parvenir à un accord de paix global fondé sur la solution à deux Etats».

Selon des diplomates, cette brève déclaration de portée symbolique a fait l'objet d'intenses négociations depuis deux jours, notamment entre la Jordanie, seul pays arabe membre du Conseil, et les États-Unis.

Il s'agit d'une «déclaration à la presse», qui requiert l'unanimité des 15 membres du Conseil, et non d'une résolution, généralement plus contraignante et résultant d'un vote.

Le Conseil avait tenu jeudi une réunion d'urgence sur Gaza, à la demande des pays arabes, mais sans parvenir à s'entendre sur une déclaration. Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon avait lancé à cette occasion un appel solennel à un cessez-le-feu à Gaza.