Le candidat à la présidentielle afghane Abdullah Abdullah a manifesté vendredi à Kaboul avec plusieurs milliers de ses partisans contre les fraudes qui ont selon lui entaché le second tour de l'élection, que son rival Ashraf Ghani dit avoir remporté.

M. Abdullah menace de rejeter les résultats du vote du 14 juin, qui n'ont pas encore été annoncés, se disant victime de bourrages d'urnes massifs au profit de M. Ghani. Ce blocage fait craindre une montée des tensions, voire des violences, entre les deux camps.

«Mort à Ashraf Ghani! Mort à la commission électorale!», ont notamment crié les milliers de partisans d'Abdullah rassemblés dans le centre de la capitale et au milieu desquels leur favori avait pris place, juché sur le toit d'un camion.

«Nous continuerons jusqu'à temps que nos demandes soient entendues et qu'on sépare les votes frauduleux des votes propres», a déclaré sur place Ahmad Zia, 22 ans, en agitant un portrait d'Abdullah et le drapeau afghan.

«Le gouvernement et la commission électorale sont des tricheurs et des traîtres», a déclaré Shaperai, 55 ans, une des quelques femmes du cortège.

Il s'agissait de la plus grande manifestation depuis le début de la controverse autour des résultats et de la première à laquelle M. Abdullah a participé, envoyant ainsi un signal de sa détermination.

Il avait rassemblé 45% des voix au premier tour du 5 avril contre 31,6% à M. Ghani, et abordé ainsi le second en position de favori pour remplacer Hamid Karzai, le seul homme à avoir dirigé le pays depuis la chute des talibans fin 2001.

Les premiers résultats officiels du second tour ne sont pas attendus avant le 2 juillet.

Ghani revendique un million de voix d'avance 

Jeudi soir, l'entourage de M. Ghani a publié des chiffres officieux (bien officieux) le disant vainqueur avec 59% des voix (4,2 millions de vote) contre 41% à Abdullah (2,9 millions). La veille, M. Ghani avait affirmé avoir battu M. Abdullah dans les 34 provinces du pays.

«L'économie implose, la gouvernance est dans l'impasse, et les gens ne veulent pas d'ambiguïté», avait déclaré jeudi l'ancien cadre de la Banque mondiale, en accusant Abdullah de manoeuvres désespérées pour éviter la défaite. M. Ghani avait également loué l'efficacité de sa campagne visant notamment les femmes, les travailleurs et les paysans, plus que reposant sur les alliances ethniques.

La réussite de cette élection est jugée cruciale pour l'avenir de l'Afghanistan par les Occidentaux, emmenés par les États-Unis, qui ont dépensé des dizaines de milliards de dollars d'aide pour tenter de reconstruire un État stable après la chute des talibans.

Certains observateurs craignent qu'une montée des tensions entre les deux candidats ne rouvre la boîte de Pandore des violences entre les deux plus grands groupes ethniques du pays, les Pachtounes majoritaires au sud et à l'est, dont M. Ghani est issu, et les Tadjiks majoritaires au nord, bastion des partisans de M. Abdullah.

Le gouvernement continuait de son côté vendredi à combattre les quelque 800 rebelles talibans qui ont lancé la semaine dernière une grande offensive dans leur bastion du Helmand (sud).

Il a affirmé dans la journée que ses forces (armée, police) avaient renversé la vapeur et tué au moins 250 insurgés en cinq jours de combats, un bilan impossible à vérifier de source indépendante.

Cette offensive est un test pour les forces afghanes qui vont devoir assurer seules la sécurité du pays après le départ de l'OTAN fin 2014, même si Washington envisage d'y laisser de son côté encore 10 000 soldats qui seraient retirés progressivement d'ici la fin 2016.