La tension liée à la présidentielle en Afghanistan a baissé d'un cran lundi avec la démission d'un responsable de la commission électorale au centre de la polémique sur la fraude, tandis que le candidat Abdullah Abdullah a ouvert la porte aux négociations.

«La porte est maintenant ouverte pour des négociations avec la Commission (électorale indépendante, IEC) pour aider le processus électoral», a déclaré à la presse M. Abdullah, arrivé en tête au premier tour, mais qui a dénoncé des fraudes au profit de son rival Ashraf Ghani au second tour, dont les résultats n'ont pas encore été annoncés.

Quelques minutes avant que M. Abdullah ne prenne la parole, Zia-ul-Haq Amarkhail, un haut responsable de l'IEC directement mis en cause ces derniers jours par M. Abdullah, avait annoncé sa démission, tout en niant les faits qui lui sont reprochés.

«Pour le bien de l'Afghanistan, pour le bien du processus électoral, je démissionne de mon poste», a déclaré au cours d'une conférence de presse M. Amarkhail. «J'ai démissionné seulement pour garantir la crédibilité de l'élection», a-t-il assuré.

Abdullah Abdullah était arrivé largement en tête du premier tour de la présidentielle le 5 avril avec 45 % des voix contre 31,6 % à Ashraf Ghani, et il était à ce titre le grand favori du second tour le 14 juin.

Dès le lendemain du second tour, il avait dénoncé des irrégularités, accusant l'IEC, la commission des plaintes (ECC) et même le président Hamid Karzaï de vouloir lui voler son élection au profit d'Ahsraf Ghani.

«Remplir le mouton»

Lundi, M. Abdullah, qui avait réuni des parlementaires à son domicile à Kaboul, s'est présenté souriant devant la presse. «Nous croyons en la transparence du processus, et nous allons défendre sa légitimité», a dit M. Abdullah qui a souligné que son équipe aurait pu créer des perturbations, mais s'y est refusé. «Nous ne sommes pas à ce niveau-là, nous ne sommes pas sur cette voie-là», a-t-il affirmé.

Les apparitions quasi quotidiennes de M. Abdullah devant les médias pour dénoncer la fraude ces derniers jours ont fait craindre une flambée de violence au moment délicat où les troupes de l'OTAN, qui ont chassé les talibans du pouvoir en 2001, doivent se retirer du pays d'ici à la fin 2014.

Les deux tours de l'élection s'étaient pourtant déroulés sans violences majeures, une réussite abondamment saluée par la communauté internationale.

Des partisans de M. Abdullah avaient organisé des manifestations dans les rues de Kaboul, samedi et dimanche, pour dénoncer les pratiques de fraude.

Mercredi dernier, Abdullah Abdullah avait annoncé qu'il boycotterait l'IEC en accusant M. Amarkhail, mais aussi le gouvernement du président sortant Hamid Karzaï, d'avoir organisé des bourrages d'urnes au profit de M. Ghani.

Il avait enfoncé le clou dimanche en présentant des enregistrements audio prouvant, selon lui, l'implication de M. Amarkhail dans les fraudes.

Sur les enregistrements, on entend la voix attribuée à M. Amarkhail, assurer que des personnes sont «employées» pour favoriser l'élection de M. Ghani.

Par ailleurs, la même voix demande à un responsable de l'IEC d'engager des Ouzbeks et des Pachtouns, réputés plus favorables à M. Ghani, lui-même un Pachtoun allié au général ouzbek Abdul Rachid Dostom.

Selon l'équipe de M. Abdullah, le responsable de l'IEC parlait en «code» lors de ces entretiens téléphoniques et la phrase «remplir le mouton» signifiait «bourrer les urnes».

En annonçant sa démission lundi, M. Amarkhail a rejeté en bloc ces accusations qualifiant de «faux» les enregistrements. Le responsable de l'IEC a également dédouané le président Karzaï qui, selon lui, ne s'est pas mêlé du processus électoral.

En 2009, M. Abdullah, s'était retiré au deuxième tour de la présidentielle en évoquant des fraudes, laissant de facto la présidence à M. Karzaï.

Des résultats préliminaires sont attendus le 2 juillet et la proclamation du nom du nouveau président le 22.