Plus de 300 000 juifs ultra-orthodoxes ont manifesté dimanche après-midi à Jérusalem contre un projet de réforme du service militaire n'exemptant plus les étudiants des écoles talmudiques, qu'ils qualifient de «persécution religieuse».

«Selon nos estimations, plus de 300 000 personnes ont participé à la manifestation et se sont dispersées dans le calme en fin d'après-midi», a indiqué à l'AFP le porte-parole de la police Micky Rosenfeld.

Les organisateurs avaient promis une marche d'un million de personnes.

«Aucun incident majeur n'a été enregistré. Une cinquantaine de personnes ont été traitées par les secours pour déshydratation», a-t-il ajouté, précisant que quelque 3500 policiers avaient été mobilisés.

Les manifestants se sont dispersés en entonnant des chants religieux, avant de retourner dans leurs quartiers de Jérusalem ou de monter à bord d'autobus les raccompagnant dans les localités ou quartiers ultra-orthodoxes à travers le pays.

Dès le début de l'après-midi, la municipalité de Jérusalem avait fermé les principaux axes routiers proches de l'entrée de la ville et la gare routière centrale.

La marée humaine, toute vêtue de noir, le costume traditionnel des ultra-orthodoxes, s'est répandue dans les rues et artères de l'entrée de la ville, bloquant totalement la circulation.

Tous les courants de l'ultra-orthodoxie juive - lituanien, hassidique et séfarade - étaient représentés dans une rare démonstration d'unité contre la fin des exemptions militaires pour les étudiants des yeshivas (séminaires talmudiques).

Les femmes, habituellement absentes des manifestations ultra-orthodoxes, étaient présentes, récitant des psaumes dans des espaces qui leur avaient été spécialement réservés afin qu'elles ne soient pas mêlées aux hommes, après que les principaux rabbins ultra-orthodoxes les aient autorisées à participer à la manifestation.

Brandissant des pancartes avec des slogans tels que «Nous n'entrerons pas dans l'armée» et fustigeant «la guerre contre la religion», les manifestants ont participé à une prière prononcée via des haut-parleurs géants.

Yaakov Biton, 28 ans, étudiant dans une yeshiva de Bnei Brak, une banlieue ultra-orthodoxe de Tel-Aviv, a expliqué à l'AFP qu'il participait, ainsi que ses camarades d'études, à la manifestation «pour montrer que nous n'avons pas peur des sanctions criminelles et que nous sommes unis».

«Nous l'emporterons à la fin, la Torah (la loi juive) l'emportera», a-t-il averti.

«Nous appelons tous les étudiants des yeshivas à ne s'enrôler dans l'armée sous aucune condition (...) et à ne pas coopérer avec les autorités», ont exhorté les organisateurs à la fin du rassemblement.

«Persécution religieuse»

Les manifestants entendaient protester contre une diminution des financements publics accordés aux yeshivas et un projet de loi qui doit mettre fin aux pratiques permettant aux jeunes étudiants de ces séminaires d'échapper au service militaire.

Le gouvernement de Benyamin Nétanyahou a décidé l'an dernier de mettre fin à l'autorisation selon laquelle des dizaines de milliers de religieux ultra-orthodoxes sont exemptés du service militaire s'ils étudient à plein temps dans une yeshiva.

Dans la nouvelle coalition gouvernementale, issue des élections législatives du début 2013, des centristes laïcs et des nationalistes religieux ont en effet pris la place des partis ultra-orthodoxes qui assuraient jusqu'à présent la poursuite des exemptions.

Une nouvelle législation est en cours d'élaboration, mais une commission parlementaire a déjà approuvé un projet de loi fixant un quota pour les hommes ultra-orthodoxes devant rejoindre l'armée ou un service civil d'intérêt général à compter de 2017.

Ce projet de loi prévoit des sanctions contre les juifs religieux qui tenteraient de se soustraire au service, y compris l'emprisonnement, une disposition qui a provoqué la colère des principaux rabbins ultra-orthodoxes qui estiment que cela porte atteinte à la liberté de culte.

La réforme visant à généraliser le service aux étudiants des yeshivot est perçue par la majorité des Israéliens comme une correction de l'injustice historique de leur exemption, accordée lors de la création d'Israël en 1948.

Mais à l'époque ils ne représentaient qu'une petite fraction de la société israélienne. En raison de leur taux de natalité élevé, ils représentent aujourd'hui environ 10 % de la population d'un peu plus de huit millions d'habitants.

Dans l'attente d'une nouvelle loi, les autorités ont commencé à appliquer plus sévèrement la législation en vigueur, ce que le député Nissim Zeev, membre du parti ultra-orthodoxe Shass, a qualifié de «persécution religieuse».

Le service militaire est obligatoire en Israël, de trois ans pour les hommes et deux ans pour les femmes.

PHOTO DARREN WHITESIDE, REUTERS

La marée humaine, toute vêtue de noir, le costume traditionnel des ultra-orthodoxes, s'est répandue dans les rues et artères de l'entrée de la ville, bloquant totalement la circulation.