Les dirigeants politiques et de l'armée en Israël ont fait leurs adieux lundi au chef militaire et ex-premier ministre Ariel Sharon, figure controversée qui a inspiré autant l'admiration que la rancune, en présence d'un petit nombre de hauts responsables internationaux.

L'ex-général a été mis en terre en début d'après-midi dans son ranch familial du désert du Néguev, dans le sud d'Israël, la ferme des Sycomores, aux côtés de sa deuxième femme Lily, conformément à sa volonté.

Huit généraux de l'armée israélienne ont porté le cercueil, enveloppé du drapeau bleu et blanc frappé de l'étoile de David, tandis qu'étaient psalmodiées des prières funéraires.

Suivant la tradition juive, les deux fils du défunt, Omri et Gilad, le col de chemise déchiré en signe de deuil, ont récité le «Kaddish», la prière des morts.

Prononçant l'éloge funèbre, le chef d'état-major, le général Benny Gantz, a promis de rester fidèle à l'héritage du «combattant».

«Même ceux qui étaient en colère contre toi à cause du retrait de Gaza doivent se souvenir que tu as construit plus d'implantations que n'importe qui d'autre sur la terre d'Israël», a déclaré Gilad Sharon, en allusion au retrait unilatéral de l'armée et des 8000 colons du territoire palestinien en 2005.

Après le dépôt des gerbes officielles, la cérémonie, suivie à distance par plusieurs centaines d'Israéliens, s'est conclue par trois salves militaires.

Preuve que le retrait est loin d'avoir réglé le conflit, deux roquettes tirées de la bande de Gaza, contrôlée depuis 2007 par le mouvement islamiste Hamas, sont tombées dans le sud d'Israël, sans faire ni victime ni dégât, peu après les obsèques.

Le cercueil a été conduit jusqu'à la ferme des Sycomores en véhicule militaire après un hommage officiel devant le Parlement israélien, la Knesset, à Jérusalem et une halte à Latroun, site d'une bataille où Sharon fut blessé en 1948 peu après la naissance de l'État d'Israël.

«"Arik" (le diminutif d'Ariel, NDLR) a été un homme complexe qui a vécu à une époque complexe et dans un environnement complexe», a résumé le vice-président américain Joe Biden, devant la Knesset.

Surnommé le «bulldozer», Sharon «a pu laisser dans son sillage des dégâts considérables, mais son objectif et sa motivation étaient toujours clairs», a estimé l'ex-premier ministre britannique Tony Blair, émissaire du Quartette pour le Proche-Orient.

«Appris à combattre et à s'implanter»

Le premier ministre Benyamin Nétanyahou s'est lui aussi engagé à «défendre fermement les principes» de son prédécesseur sur la sécurité d'Israël, réaffirmant qu'il «empêcherait l'Iran de se doter de l'arme nucléaire».

Les services de sécurité avaient dépêché des renforts et élevé leur niveau d'alerte de crainte de tirs de roquettes.

Des batteries du système antimissile mobile «Iron Dome» (Dôme de Fer) ont été déployées dans le secteur et le nombre de drones surveillant en permanence Gaza a été augmenté.

Le décès de l'ancien homme fort de la droite nationaliste, mort samedi à 85 ans après huit ans de coma, a plongé Israël dans une atmosphère de deuil national.

Quelque 20 000 Israéliens de toute condition ont défilé dimanche devant son cercueil exposé devant la Knesset.

Les médias israéliens ont de leur côté dressé un bilan nuancé de «l'héritage Sharon».

Lundi à la Knesset, Zeev Hever, souvent présenté comme le «cerveau» de la colonisation israélienne, lui a rendu hommage.

«Tu as appris aux fils d'Israël à combattre et ensuite à s'implanter. Tu as été notre grand maître, voire presque notre père pour tout ce qui est de la construction d'implantations», a-t-il déclaré.

Pourtant, citant des messages échangés entre l'ambassade américaine en Israël et le département d'État révélés par Wikileaks, le Haaretz rapporte que Sharon, après Gaza, envisageait des retraits de Cisjordanie et des concessions sur Jérusalem-Est, dont les Palestiniens veulent faire la capitale de leur futur État.

Ariel Sharon restera également dans l'Histoire comme l'artisan en 1982 de la désastreuse invasion du Liban, alors qu'il était ministre de la Défense.

Une commission d'enquête israélienne a conclu à sa «responsabilité indirecte», mais personnelle dans le massacre de centaines de civils palestiniens par ses alliés phalangistes chrétiens libanais dans les camps de réfugiés de Sabra et Chatila à Beyrouth en septembre 1982.

De Gaza à Ramallah, et de Jénine aux camps de réfugiés du Liban, les Palestiniens n'ont pas caché leur joie à l'annonce du décès du «criminel Sharon», tout en regrettant qu'il n'ait pas été traduit devant la justice internationale.

PHOTO GALI TIBBON, ASSOCIATED PRESS

Le vice-président américain Joe Biden a rendu un hommage solennel à Ariel Sharon, lundi devant le Parlement israélien à Jérusalem.