Le psychiatre Iyad Sarraj, emporté par un cancer, était une des consciences de la société civile palestinienne, militant intraitable d'une lutte non violente contre l'occupation israélienne et critique sévère des dirigeants de son peuple.

Pionnier de la psychiatrie dans la bande de Gaza, le Dr Sarraj, qui a succombé mardi à 70 ans après un long combat contre la maladie, s'efforçait aussi d'ancrer dans la société palestinienne la foi dans une résistance non violente à Israël.

Décédé dans un hôpital israélien, Iyad Sarraj a été enterré mercredi à Gaza.

Le chef du gouvernement du Hamas à Gaza, Ismaïl Haniyeh, l'a qualifié de «fédérateur des groupes de la scène palestinienne», soulignant la représentation de tous les mouvements palestiniens lors de la cérémonie d'hommage à la mosquée Al-Omari.

Né en 1943 à Beersheva, alors en Palestine sous mandat britannique, Iyad Sarraj a connu le déracinement lorsque sa famille a dû se réfugier à Gaza en 1948 lors de la création d'Israël.

Après avoir étudié à Alexandrie et à Londres, il est devenu en 1977 le premier psychiatre à exercer dans l'enclave palestinienne, où il a fondé en 1990 le Programme communautaire de santé mentale à Gaza, une ONG destinée au traitement des troubles mentaux des enfants, des femmes et des victimes de violence.

Le Dr Sarraj s'est ainsi fait connaître en exposant l'impact du conflit sur les enfants de la bande de Gaza.

Mais c'est surtout son action pour la paix avec Israël, où il était un des interlocuteurs de la gauche, qui lui a valu une renommée internationale.

«Nous étions du même côté, celui des gens qui ne veulent pas d'une solution violente», a déclaré la psychiatre israélienne Ruchama Marton, présidente et fondatrice de l'ONG Médecins pour les droits de l'Homme-Israël.

«Nous luttions pour mettre fin à l'occupation», a-t-elle ajouté.

Peu après le début de la deuxième Intifada (2000-2005), Iyad Sarraj plaidait pour désarmer le soulèvement et s'inspirer plutôt de Gandhi et Martin Luther King.

Il a témoigné devant la commission «Goldstone» de l'ONU enquêtant sur les accusations de crimes de guerre pendant l'opération israélienne «Plomb durci» dans la bande de Gaza, en décembre 2008-janvier 2009.

«Personnalité exceptionnelle»

Après avoir connu, comme de nombreux Palestiniens, les centres de détention israéliens, il a fait l'expérience en 1995-1996 des mauvais traitements dans les prisons de l'Autorité palestinienne pour avoir critiqué la corruption de celle-ci et les sévices infligés aux détenus.

L'Organisation de libération de la Palestine (OLP) dirigée par le président Mahmoud Abbas, chef du Fatah, qui gouverne les zones autonomes de Cisjordanie, a rendu hommage à «un grand militant qui a laissé une profonde empreinte dans la lutte des Palestiniens».

Le Hamas a salué une vie «au service du peuple palestinien et de la résistance à l'occupation sioniste et à toutes les formes de racisme».

Dans un message de condoléances, le Coordonnateur spécial des Nations unies pour le processus de paix au Moyen-Orient, Robert Serry, a honoré «une personnalité exceptionnelle, travaillant sans relâche pour améliorer les vies en particulier de ses compatriotes gazaouis, quelqu'un qui toujours s'est tenu du côté des droits de l'homme, de la paix et de la justice».

Iyad Sarraj a été couronné par de nombreuses distinctions, notamment le Prix Olof Palme 2010 pour avoir signalé «l'influence destructrice de la répression sur la santé mentale».

Le Centre palestinien pour les droits de l'Homme (PCHR), basé à Gaza, lui sait gré d'avoir «accompli son devoir patriotique et sa tâche inlassable pour soigner les divisions palestiniennes, malgré sa maladie».

Ces dernières années, il s'était impliqué dans la réconciliation nationale, présidant à Gaza la commission de réconciliation sociale créée en vertu de l'accord signé en 2011 entre le Fatah et le Hamas, resté pour l'essentiel lettre morte.

Dans une interview à l'AFP au début des années 2000, il expliquait que les enfants les plus traumatisés par le conflit étaient ceux qui avaient perdu leur mère ou leur maison: «La mère parce que c'est le symbole de la persistance de l'amour, et la maison parce que c'est le symbole de la persistance de la sécurité».