Les récentes négociations nucléaires avec l'Iran ont suscité de vives réactions du gouvernement israélien, et ce, bien qu'elles n'aient finalement abouti qu'à une entente se limitant à des inspections déjà planifiées d'une mine et d'un réacteur. L'inquiétude de l'État hébreu devant ce qu'il perçoit comme un rapprochement entre ses alliés et l'Iran est accentuée par la multiplication des menaces extérieures à son endroit. Portrait de quatre pays qui inquiètent grandement Israël.

IRAN Souffler le froid et le chaud

L'Iran a réitéré dimanche son droit inaliénable à l'«enrichissement de l'uranium». Mais hier, la Grande-Bretagne a annoncé le rétablissement partiel des liens diplomatiques avec l'État islamique chiite, et le secrétaire d'État américain, John Kerry, a prévenu Israël qu'une entente ne doit être critiquée que lorsque ses termes sont connus. Une suspension des sanctions contre l'Iran en échange d'un gel partiel du programme nucléaire est donc encore possible. Au grand dam d'Israël, dont le ministre de la Défense, Moshe Ya'alon, a affirmé hier que l'économie iranienne est au bord du précipice grâce aux sanctions. Pour compliquer le portrait, l'Iran a présenté la semaine dernière un tout nouveau missile sol-air à moyenne portée, et la BBC a révélé que l'Arabie saoudite a conclu une entente avec le Pakistan pour obtenir des bombes nucléaires, si l'Iran était capable d'en produire. L'Arabie saoudite a financé une partie du programme nucléaire pakistanais.

ÉGYPTE La menace russe

La semaine dernière, les médias ont rapporté des négociations entre l'Égypte et la Russie pour l'achat d'armes russes. Il n'en fallait pas plus pour que le réseau Fox ne craigne un renversement similaire à celui de 1976, quand l'Égypte a révoqué son traité d'amitié avec l'URSS pour s'allier aux États-Unis. La Russie peut-elle prendre la place des États-Unis, qui bloquent des portions importantes de leurs subventions au pays à cause de la répression politique, et ainsi éloigner Le Caire de Tel-Aviv? «Ce que je vois sur le terrain, c'est un désir d'avoir le choix, pas de s'éloigner de l'Occident, explique Stephen McInerney, directeur du Projet sur la démocratie au Moyen-Orient, à Washington. Ce qui est beaucoup plus inquiétant pour Israël est la légitimité démocratique des Frères musulmans depuis le renversement du président [Mohamed] Morsi. Et l'instabilité et la violence croissantes dans la péninsule du Sinaï.»

SYRIE Le chaos

À la fin d'octobre, l'armée de l'air israélienne a attaqué un convoi militaire en Syrie pour détruire des missiles russes destinés au Hezbollah. Selon le Jerusalem Post, c'était la troisième ou quatrième opération de ce genre cette année. Et le quotidien koweïtien Al-Jarida rapporte qu'Israël envisage des frappes au Liban pour détruire des missiles russes à longue portée déjà transférés du régime Assad au Hezbollah. «Israël est très stratégique dans ses interventions en Syrie, explique Sami Aoun, politologue à l'Université de Sherbrooke. Il ne répond pas aux provocations du régime Assad ou des rebelles, qui essaient de l'attirer dans le conflit. Mais à terme, la fragmentation du pays, avec possiblement des zones alaouites, sunnites et kurdes, est inquiétante pour Israël parce qu'elle est source d'instabilité.» Des tirs de mortier en provenance de Syrie touchent sporadiquement depuis l'été le plateau du Golan, occupé par l'armée israélienne, et plusieurs pays ont annoncé le retrait de leurs casques bleus du plateau.

LIBAN Une nouvelle guerre civile

Depuis le début de la guerre civile en Syrie, voilà deux ans et demi, 700 000 réfugiés ont afflué au Liban. Le Hezbollah, la milice chiite libanaise, envoie des soldats combattre aux côtés de ceux du régime Assad. Fin octobre, le ministre israélien de la Défense a affirmé que des factions libanaises de rebelles sunnites syriens ont tiré des missiles vers l'État hébreu pour tenter d'amener Israël à attaquer le Hezbollah. Et cet été, après que l'Union européenne eut classé le Hezbollah parmi les organisations terroristes, le prestigieux magazine Foreign Affairs a affirmé que l'Occident devrait relâcher la pression sur le Hezbollah pour éviter qu'elle ne se sente acculée au pied du mur et sorte son arsenal. «À court terme, Israël est satisfait de voir que le Hezbollah sape son autorité morale en participant à un conflit sectaire entre musulmans en Syrie, dit Stephen McInerney, directeur du Projet sur la démocratie au MoyenOrient, à Washington. Mais une guerre civile semblable à celle des années 1970 peut éclater à tout moment au Liban. Israël n'aurait pas le choix de s'en mêler, parce que certaines milices tenteraient certainement de rallier la population, notamment les Palestiniens, en s'attaquant aux «envahisseurs juifs». L'occupation du Liban méridional pendant 20 ans n'a rien amené de bon pour Israël.»