Au moins 56 militaires et policiers ont été tués vendredi dans trois attentats spectaculaires attribués à Al-Qaïda dans le sud du Yémen, et une quatrième attaque visant le terminal d'exportation gazier du pays a été déjouée.

Il s'agit des attaques les plus meurtrières au Yémen depuis que l'armée a repris à Al-Qaïda il y a plus d'un an le contrôle de plusieurs régions du sud du pays. Le réseau a subi au cours des derniers mois plusieurs coups durs avec des assauts de drones contre plusieurs de ses chefs et militants.

Selon des sources militaires et locales, les trois attentats, menés à l'aube dans la province de Chabwa, un fief d'Al-Qaïda, ont fait huit morts dans les rangs des assaillants.

Ces attaques surviennent alors que les autorités ont annoncé en août avoir mis en échec un projet d'Al-Qaïda visant à s'emparer de villes et d'installations pétrolières dans le sud et à enlever des étrangers, ce que le réseau avait démenti.

Les États-Unis avaient alors fermé leur ambassade à Sanaa pendant plus de deux semaines à la suite d'une alerte aux attentats, imités par d'autres pays occidentaux.

Le département d'État américain a d'ailleurs «condamné avec force» les attaques de vendredi et assuré que Washington «continuerait d'appuyer les efforts du gouvernement yéménite et de ses courageuses forces de sécurité dans leur combat contre Al-Qaïda dans la Péninsule arabique» (Aqpa).

L'attaque la plus meurtrière a été menée par une voiture piégée qui a explosé dans un camp de l'armée chargé de la sécurité des sites pétroliers et gaziers de la province de Chabwa. «Un accrochage a (d'abord) opposé les militaires aux assaillants à l'entrée du camp, puis une voiture piégée a forcé son passage à l'intérieur du site où elle a explosé, tuant 38 soldats», a déclaré à l'AFP un responsable local.

Simultanément, «un kamikaze au volant d'une autre voiture piégée s'est fait exploser avant d'atteindre sa cible, un barrage de l'armée» à Al-Noucheima, situé plus loin, a indiqué à l'AFP une source militaire, ajoutant que 10 soldats avaient été tués dans l'explosion. «Des militaires ont été capturés» par les assaillants, ont par ailleurs raconté des témoins au téléphone.

Une attaque déjouée

Un troisième attentat a pris pour cible un camp des unités spéciales des forces de sécurité à Maifaa, tuant huit policiers, selon des sources militaires.

Le ministère de la Défense a ensuite annoncé qu'un quatrième assaut, visant l'unique terminal d'exportation de gaz du pays, sur le Golfe d'Aden, au sud du pays, avait été déjoué. Les militaires ont «intercepté un véhicule chargé d'explosifs» qui se dirigeait vers Belhaf et l'ont neutralisé, tuant le conducteur, selon un communiqué du ministère.

Le groupe français Total est actionnaire à hauteur de près de 40% de l'usine de liquéfaction de gaz Yemen LNG située à Belhaf.

Les attentats n'ont pas encore été revendiqués, mais des sources militaires les ont attribués au réseau extrémiste, très actif dans le sud et l'est du Yémen.

«Il s'agit d'un message d'Al-Qaïda au régime de Sanaa, pour dire qu'il est toujours capable de lui asséner des coups durs malgré les attaques de drones», a estimé l'analyste Zeid Sallami, spécialiste des mouvements islamistes.

Il s'agit des attaques les plus meurtrières depuis celle qui avait coûté la vie le 21 mai 2012 à près de 100 soldats qui préparaient à Sanaa une parade militaire pour l'anniversaire de l'unification du Yémen. L'attentat avait alors été revendiqué par Aqpa.

Elles surviennent après la mort le 30 août d'un chef militaire d'Aqpa, Qaïed al-Dhahab, dans un raid de drone. Aqpa avait ensuite promis «plus de haine et plus de rancune» envers les États-Unis et leurs alliés.

Dix attaques de drone menées depuis le 28 juillet contre Al-Qaïda avaient fait alors au total plus de 40 morts. Ces attaques ont été vraisemblablement menées par les États-Unis, les seuls à disposer de drones dans la région et qui aident les autorités yéménites dans leur lutte contre le réseau extrémiste.

Aqpa est considérée comme la branche la plus dangereuse du réseau extrémiste fondé par Oussama ben Laden, un Saoudien dont la famille est originaire du Yémen.

L'organisation extrémiste a profité de l'affaiblissement du pouvoir central, à la faveur de l'insurrection populaire contre l'ancien président Ali Abdallah Saleh en 2011, pour renforcer son emprise dans le pays.

Le Yémen, pays pauvre de la Péninsule arabique, est engagé dans une difficile transition politique, qui a suivi le départ en février 2012, sous la pression de la rue, d'Ali Abdallah Saleh.