Le curieux monde de la politique en ligne en Iran a semblé un peu plus rempli, lundi, alors que des membres du cabinet du président Hasan Rouhani ont été encouragés à ouvrir leur propre page Facebook, dans un pays où les autorités tentent pourtant d'empêcher le public d'accéder aux médias sociaux.

Cette initiative, mentionnée par le quotidien réformiste Shargh, s'inscrirait dans les efforts du président pour redéfinir l'image du gouvernement afin de le rendre plus imputable et accessible après son combatif prédécesseur, Mahmoud Ahmadinejad.

Mais l'initiative expose les tensions au sein du gouvernement iranien à propos du web: internet est-il une force sur laquelle s'appuyer, ou devrait-il être étroitement contrôlé? Des disputes ont même éclaté, sur des sites de médias iraniens, à propos de l'authenticité de certaines pages Facebook de ministres.

Malgré tout, la direction générale du gouvernement Rouhani est claire: encourager les interactions et l'ouverture sur le Web pour améliorer l'image de l'État, et favoriser la diplomatie instantanée sur les principaux dossiers d'actualité, comme de possibles frappes américaines contre la Syrie, un allié de Téhéran, et les tentatives pour relancer les discussions sur le programme nucléaire iranien.

«M. Rouhani s'est entouré de responsables des relations publiques bien formés», analyse Merhzad Boroujerdi, directeur du programme d'études du Moyen-Orient de l'université de Syracuse. «Ces gens comprennent les stratégies pour distancer M. Rouhani d'Ahmadinejad. Pour le meilleur ou pour le pire, des choses telles que les médias sociaux joueront un rôle central dans la présidence de M. Rouhani.»

La démarche pourrait cependant s'avérer plus difficile que prévu, alors que les tenants de la ligne dure demeurent encore particulièrement frileux face aux médias sociaux, en raison du rôle de ceux-ci lors des manifestations de l'opposition après la réélection contestée d'Ahmadinejad, en 2009. Facebook et les autres principaux réseaux sociaux sont bloqués en Iran. Mais les jeunes Iraniens trouvent constamment des serveurs intermédiaires et d'autres méthodes pour contourner les barrières.

Certains journaux écrivaient lundi que cette offensive gouvernementale pro-Facebook pourrait signaler un relâchement de certaines contraintes sur le web.

Mais ce ne sera pas le cas, a rétorqué le responsable des services numériques du pays, Gholam Hossein Mohseni Ejehei, directeur du comité de supervision du contenu numérique. Il a déclaré que ce n'était «pas le moment de retirer les filtres» sur Facebook et d'autres sites du genre.

Des responsables gouvernementaux ont également nié avoir déjà ouvert des comptes Facebook.

Le guide suprême de l'Iran, l'ayatollah Ali Khamenei, a publié l'an dernier un décret religieux indiquant que Facebook était permis si le réseau n'était pas utilisé à des fins de «corruption». Mais le guide suprême a également dénoncé internet comme le fer de lance de l'«intoxication occidentale» qui, selon les tenants de la ligne dure, menacerait les valeurs islamiques.

Les leaders religieux ont été jusqu'à ordonner la conception d'un système interne qui ne comprendrait que des sites approuvés par l'État.

Saeed Leilaz, un analyste politique établi à Téhéran, croit que les vues modérées de M. Rouhani mèneront éventuellement à la levée de certaines restrictions numériques.

«M. Rouhani a appris le pouvoir d'internet sur l'opinion publique iranienne pendant sa campagne électorale», dit-il. Les membres de son gouvernement «tentent désormais de l'utiliser à leurs propres fins».