L'écrivaine indienne Sushmita Banerjee a été exécutée mercredi soir par des talibans dans l'est de l'Afghanistan, a indiqué jeudi la police, un meurtre que pourrait avoir motivé un livre dans lequel elle racontait les atrocités commises par les extrémistes islamistes dans les années 1990.

«Nous avons retrouvé ce matin (jeudi) son corps criblé de balles près d'une école religieuse» dans les environs de la ville de Sharan, capitale de la province de Paktika, a déclaré à l'AFP Dawlat Khan Zadran, chef de la police locale, confirmant une information rapportée par les médias indiens.

Un groupe d'hommes a fait irruption mercredi soir à son domicile, où elle a été ligotée, ainsi que des membres de sa famille, puis enlevée, a ajouté M. Zadran.

«L'enquête menée auprès de son mari montre que les insurgés avaient quelque chose contre elle, à propos de ce qu'elle avait dit ou écrit par le passé, et qui était ensuite devenu un film», a ajouté le chef de la police.

«On lui a tiré dessus une vingtaine de fois et on lui a arraché des cheveux», a-t-il précisé.

Les talibans n'avaient pu être joints jeudi dans la soirée et n'ont pas revendiqué l'assassinat. Il est toutefois courant que les insurgés, qui luttent contre le gouvernement afghan et une coalition internationale menée par les États-Unis, s'abstiennent de toute revendication dès lors que leurs actes touchent des civils.

Âgé de 49 ans, Sushmita Banerjee, auteure réputée en Inde, était l'épouse d'un homme d'affaires afghan, Janbaz Khan. Elle s'était récemment installée avec lui en Afghanistan et travaillait dans un hôpital dans la province de Paktika.

Elle était l'auteur de A Kabuliwala's Bengali Wife, un livre racontant sa vie dans un village d'Afghanistan aux mains des talibans dans les années 1990 - près de l'endroit même où elle a été assassinée -, et comment elle était parvenue à s'en échapper, une histoire dont Bollywood avait tiré un film en 2003 (Escape from Taliban).

«Une voix courageuse s'est éteinte»

Dans une tribune publiée en 1998 dans le magazine indien Outlook, elle décrivait l'arrivée des talibans en 1993 dans son village, et la «répression» exercée par les extrémistes, chassés du pouvoir en 2001 après les attentats du 11-Septembre.

À l'époque, Banerjee apportait une aide médicale aux gens du village. Quand ils sont arrivés, «les talibans m'ont ordonné de fermer le dispensaire», écrit-elle.

«Ils ont aussi fait la liste de ce qu'on pouvait faire ou ne pas faire. La burqa était devenue obligatoire. Écouter la radio ou de la musique sur un magnétophone était devenu interdit. Les femmes n'avaient pas le droit d'aller dans les magasins», poursuit-elle. «Toutes les femmes devaient avoir le nom de leur mari tatoué sur leur main gauche».

En 1994, se sentant menacée, elle décide de s'évader. Après avoir creusé «une ouverture dans les murs en terre» de sa maison, elle parvient à rejoindre l'ambassade indienne à Kaboul, puis Calcutta.

«Elle avait fait preuve d'un grand courage en racontant son évasion d'Afghanistan. Elle était mariée à un Afghan, elle essayait de vivre avec lui, là-bas (en Afghanistan). Elle en a payé le prix. C'est une voix courageuse qui s'est éteinte», a déclaré à l'AFP Sanjana Roy Choudhury, de la maison d'édition Hay House India.

La province de Paktika où a été exécutée Banerjee est un sanctuaire des rebelles le long de la frontière pakistanaise, dans l'est de l'Afghanistan. Certains talibans sont proches de groupes extrémistes islamistes pakistanais anti-indiens qui ont combattu au Cachemire, notamment le Lashkar-e-Taiba (LeT), accusé d'avoir perpétré les sanglants attentats de Bombay (166 morts) en 2008.

Des combattants du LeT et d'autres groupes djihadistes proches d'Al-Qaïda ont également combattu l'OTAN aux côtés des talibans en Afghanistan ces dernières années, selon des sources sécuritaires occidentales et régionales.