Pour endiguer les violences qui endeuillent quasi quotidiennement l'Irak, les autorités ont décidé de recourir de nouveau aux milices sunnites anti-Qaïda et de les entraîner, un changement dans la politique du gouvernement qui les marginalisait ces derniers temps.

Baptisées les Sahwa (Le Réveil, en arabe), ces milices composées d'ex-insurgés ont été formées fin 2006 par des chefs tribaux dans les régions sunnites et financées dans un premier temps par les Américains pour lutter contre Al-Qaïda, alors que le pays était déchiré par un conflit confessionnel meurtrier.

Ces groupes, qui ont compté jusqu'à 100 000 personnes à leur apogée, ont joué un rôle clé dans la réduction de la violence en Irak à partir de 2008, parallèlement à l'action des soldats américains et à la mise en oeuvre d'une nouvelle stratégie sécuritaire.

Mais les miliciens, des cibles privilégiées du réseau extrémiste qui les considère comme des «traîtres», se sont sentis ensuite peu à peu abandonnés par le gouvernement.

Alors que le pays est de nouveau emporté dans une spirale de violences, qui a fait plus de 3600 morts depuis le début de l'année selon un bilan établi par l'AFP, les autorités ont décidé de se tourner de nouveau vers les Sahwa.

«Nous avons décidé de combattre les insurgés d'Al-Qaïda avec l'aide des Sahwa, qui les ont déjà vaincus par le passé», a expliqué Amer Khouzaï, conseiller du premier ministre chiite Nouri al-Maliki sur la question de la réconciliation nationale.

«Ils seront bien entraînés, bien organisés, et jeunes --aucun n'aura plus de 40 ans», a-t-il précisé.

À terme, 10 000 miliciens doivent être stationnés dans les villes de Mossoul et de Kirkouk, dans le nord du pays, ainsi qu'autour de la capitale, où les insurgés ont souvent trouvé refuge.

Pour l'heure, environ 2000 combattants Sawha s'entraînent, et les premiers formés devraient être envoyés dans la région de Bagdad, selon des sources tribales et de sécurité.

Cette décision constitue un revirement stratégique, à la fois dans la façon de traiter les Sahwa et dans la manière d'appréhender les forces de sécurité non conventionnelles.

Depuis que les Américains --qui ont quitté le pays fin 2011-- ont laissé la responsabilité des Sahwa aux autorités irakiennes, les miliciens se plaignaient d'être maltraités, de ne pas recevoir leurs salaires à temps et reprochaient au pouvoir de ne pas avoir tenu sa promesse de les incorporer dans les forces de sécurité conventionnelles.

«Quand les forces irakiennes ont pris la suite des Américains et formé une grande armée, elles ont cru qu'elles n'avaient plus besoin des tribus ou des Sahwa, alors elles les ont négligés», explique Nadim Hatem Sultan, le chef de la tribu Tamim. «Cette erreur doit être corrigée».

«Ce sont les gens qui connaissent le mieux le secteur», souligne Walid al-Ayish, leader de la tribu Faraj, en se félicitant que l'État a changé de stratégie, alors que les forces de sécurité sont engagées dans de vastes opérations pour endiguer la pire vague de violences qu'a connue l'Irak depuis 2008.

Ces opérations ont été lancées à la suite de l'évasion de centaines de détenus, dont des chefs d'Al-Qaïda, après un assaut en juillet mené contre deux prisons par un groupe lié au réseau extrémiste.

Mais selon des analystes et des diplomates, les mesures prises jusqu'ici pour éradiquer la violence ne traitent pas la racine du problème: le ressentiment de la minorité sunnite qui s'estime mal traitée par le gouvernement.

Les autorités ont déjà fait quelques concessions, en libérant par exemple des milliers de prisonniers sunnites et en accordant fin janvier une hausse de salaire aux miliciens Sahwa.

Cette nouvelle décision concernant ces groupes armés pourrait, en théorie, faire d'une pierre deux coups, en offrant du travail à des milliers de jeunes sunnites, et en luttant plus efficacement contre les violences.