Les amateurs de soccer afghans étaient galvanisés lundi à la veille du premier match à domicile de leur sélection nationale depuis dix ans, de surcroît contre le Pakistan, le grand rival voisin accusé de soutenir les talibans.

Le match au stade de Kaboul suscite un enthousiasme contagieux dans ce pays ravagé par la guerre, qui poursuit son retour sur la «planète foot» après la création l'an dernier de la «Afghan Premier League», un nouveau championnat national.

Cette rencontre sera la première à domicile pour la sélection nationale afghane depuis sa confrontation en 2003 contre le Turkménistan, et la première depuis 1977 contre le Pakistan.

L'équipe pakistanaise n'a pas mis les pieds en Afghanistan depuis l'invasion soviétique, en 1979. Aujourd'hui, les autorités afghanes accusent régulièrement le Pakistan de soutenir les insurgés talibans afin de déstabiliser le gouvernement de Kaboul.

Une décennie sans soccer international, doublée d'une confrontation à saveur géopolitique, il n'en fallait pas plus pour enflammer les «aficionados afghans» du ballon rond.

«Je suis certain que l'Afghanistan va marquer une dizaine de buts pour remporter la victoire. J'ai acheté dix billets pour le match, j'ai des drapeaux afghans et je suis gonflé à bloc», lance Abbas Kohi, adolescent de 16 ans rencontré devant les guichets du stade de Kaboul.

Le prix des billets varie entre 100 et 300 afghanis (entre 2,10 et 5,50 $) pour ce match disputé sur une pelouse artificielle, dans un stade de seulement 6000 places.

Du soccer au royaume du Bouzkachi

L'Afghanistan, royaume du bouzkachi, sport dans lequel deux équipes de cavaliers doivent porter une carcasse de chèvre jusqu'en territoire adverse, a ses chances de battre le Pakistan, qui s'est détourné du foot pour ériger le cricket au rang de religion.

Après tout, la sélection afghane occupe le 139e échelon au classement de la Fédération internationale (FIFA), devant le Pakistan, qui croupit au 167e rang.

La FIFA souhaite un duel amical entre ces deux pays aux relations tendues, mais les partisans, eux, n'attendent rien de moins que la victoire.

«J'espère que notre victoire sera une réponse à l'interférence pakistanaise en Afghanistan», tacle Mohammad Ali, 20 ans, qui assistera au match avec plusieurs de ses amis.

Mais pour Mohammad Saber Rohparwar, ancienne gloire du football afghan, le match doit avant tout permettre de «rebâtir la confiance» et «renforcer les relations» entre les deux voisins.

«Je ne veux pas parler de politique, mais il semble que les politiciens ont échoué dans leurs tentatives pour rapprocher les deux pays», dit l'ex-capitaine de la sélection afghane, venu d'Allemagne, où il vit aujourd'hui, pour assister au match à Kaboul.

Le ballon rond après les lapidations

La tenue en soi de ce match sera un accomplissement majeur pour le pays, se félicite Sayed Aghazada, secrétaire général de la Fédération afghane de football. Sous les talibans (1996 à 2001), le vieux stade Ghazi était en effet tristement plus célèbre pour les lapidations en public que les matchs de football.

Ce match «montre qu'après une période très difficile nous retournons à la normalité», a-t-il déclaré au site fifa.com.

Pour le secrétaire de la Fédération pakistanaise, Ahmed Yar Khan Loghi, il est déjà écrit que ce premier duel en 36 ans à Kaboul «passera à l'Histoire».

Le Pakistan, géant de 180 millions d'habitants miné par les attentats à répétition, n'a pas accueilli d'événement sportif majeur depuis l'attaque en 2009 de la sélection nationale de cricket du Sri Lanka par des islamistes armés.

Cette parenthèse devrait prendre fin en décembre à Lahore (est), avec le match retour prévu contre l'Afghanistan. Les amateurs afghans, eux, n'auront pas à attendre jusque-là pour continuer à assouvir leur soif de foot : jeudi sera donné le coup d'envoi de la deuxième saison de la «Premier League» afghane, avec ses matchs retransmises en direct à la télévision.