Près de 70 islamistes proches des Frères musulmans ont été condamnés à la prison mardi aux Émirats arabes unis, dans le plus grand procès du genre de l'histoire du pays, qui a suscité des critiques de défenseurs des droits de l'homme.

Vingt-cinq autres prévenus ont été acquittés par la Cour de sûreté de l'État, relevant du tribunal fédéral suprême, dont les jugements sont sans appel.

Selon la télévision d'Abou Dhabi, les peines maximales de 15 ans de prison ont été infligées à huit des dix accusés en fuite.

Dans un enregistrement partiel de l'énoncé du verdict, diffusé par la même chaîne, le juge Falah al-Hajéri a prononcé 56 condamnations à 10 ans de prison.

L'agence officielle Wam a précisé plus tard que le juge avait également prononcé des peines de 7 ans de prison à l'encontre de cinq accusés.

La Cour a également ordonné la saisie de sommes d'argent et de biens, dont une ferme et un immeuble, qui servaient selon lui à financer les activités du groupe, accusé en outre d'entretenir des liens avec l'organisation mondiale des Frères musulmans.

L'énoncé du verdict s'est déroulé en l'absence de la presse étrangère et d'observateurs d'organisations internationales de défense des droits de l'homme, tenus à l'écart depuis l'ouverture du procès.

Amnistie Internationale (AI) a jugé que le verdict dans ce procès «manifestement inéquitable» montre «la détermination des autorités à faire taire toute forme de dissidence», et appelé dans un communiqué à «la libération immédiate et inconditionnelle» des prévenus condamnés «uniquement pour avoir exprimé leurs opinions».

Le 27 juin, AI et deux autres ONG - Human Rights Watch et Alkarama - ont affirmé avoir reçu 22 lettres manuscrites qui pourraient avoir été envoyées par certains des 94 islamistes depuis leur prison, faisant état de «mauvais traitements» voire de «torture».

Des proches des accusés ont affirmé que certains membres des familles des prévenus n'avaient pas été autorisés à assister au verdict.

Les médias officiels ont affirmé que la justice ne faisait qu'appliquer la loi, rejetant d'avance les critiques étrangères.

Le procès des 94 membres ou sympathisants du mouvement Al-Islah, un groupe proche des Frères musulmans, s'était ouvert le 4 mars.

Arrêtés entre mars et décembre 2012, ces islamistes, dont des avocats, des étudiants et des juges, ont été accusés de «faire partie d'un groupe secret illégal visant à prendre le pouvoir» et «d'être entrés en contact avec des groupes étrangers pour exécuter leur plan».

Dans une lettre ouverte au président émirati, cheikh Khalifa ben Zayed Al Nahyane, publiée début mai sur des sites islamistes, ils ont affirmé avoir été «injustement accusés d'avoir projeté de prendre le pouvoir» aux Émirats.

Ils ont assuré qu'ils «font toujours acte d'obéissance au chef de l'État».

Parmi eux figurent Cheikh Sultan Ben Kayed Al-Qassimi, un cousin du souverain de Ras Al Khaimah, l'un des sept membres de la fédération des Émirats, qui a écopé de 10 ans de prison. Un avocat spécialisé dans les droits de l'homme, Mohammed al-Roken a écopé de la même peine. Son fils, Rached, a été en revanche acquitté.

Deux autres avocats, Mohammed al-Mansouri et Salem al-Chihi, ont été condamnés à dix ans de prison chacun.

La fédération des Émirats, l'un des pays les plus riches du monde, a été épargnée par la vague de contestation populaire dans le monde arabe.

Les autorités de la fédération ne cachent pas leur hostilité aux Frères musulmans, le chef de la police de Dubaï, le général Dhahi Khalfane, n'hésitant pas à présenter, dans un célèbre tweet, ses «condoléances au peuple égyptien», après l'élection il y a un an du président islamiste, Mohamed Morsi, lui-même issu de la confrérie.

Le général Khalfane avait en outre accusé les Frères musulmans de comploter pour renverser les monarchies arabes du Golfe.

Un autre procès impliquant une trentaine d'islamistes présentés comme des Frères musulmans, dont 13 Égyptiens, est en préparation aux Émirats.

Les 30 islamistes, accusés d'appartenance à une branche illégale du mouvement, ont été déférés le 19 juin devant la justice qui n'a pas encore fixé de date pour leur procès.