Le président iranien élu Hassan Rohani tient lundi sa première conférence de presse, mais il a déjà promis que son élection amorçait des «changements» dans tous les domaines en Iran après huit années de pouvoir conservateur.

Il ne faut toutefois pas s'attendre à ce que «tout soit réglé en une nuit», a souligné ce religieux modéré élu vendredi pour succéder à Mahmoud Ahmadinejad.

Les attentes de la population sont énormes, notamment pour améliorer la situation économique d'un pays étouffé par les sanctions internationales imposées contre le programme nucléaire de Téhéran.

Les grandes lignes de son programme ont été dévoilées : négociation avec les grandes puissances pour «faire baisser la pression», un cabinet composé de modérés et de technocrates, aide aux plus défavorisés.

Dans le dossier nucléaire, «M. Rohani va utiliser son expérience en diplomatie pour faire baisser la pression des sanctions par la négociation» avec les grandes puissances, a déclaré Mohammad-Bagher Nobakht, son conseiller pour les affaires économiques, cité lundi par la presse.

Les grandes puissances et Israël soupçonnent l'Iran de vouloir se doter de la bombe atomique sous couvert de son programme nucléaire civil, ce que Téhéran dément.

L'Iran et le groupe 5+1 (États-Unis, France, Grande-Bretagne, Russie, Chine et Allemagne) n'ont pas trouvé d'accord malgré plusieurs séries de négociations. Les États-Unis et l'Union européenne ont adopté des sanctions frappant en particulier les secteurs pétrolier et bancaire, provoquant une grave crise économique avec une inflation qui dépasse les 30 %, une chute de la valeur de la monnaie iranienne de près de 70 % et un chômage de 12 %.

Les pays occidentaux et la Russie ont accueilli favorablement l'élection de M. Rohani et Washington s'est dit prêt à «coopérer sur la question nucléaire» avec le président iranien. Seul Israël a émis des réserves, exhortant la communauté internationale à maintenir la pression sur l'Iran pour l'obliger à cesser ses activités nucléaires.

«Torrents»

M. Rohani, surnommé le «cheikh diplomate», était chargé des négociations nucléaires entre 2003 et 2005, sous la présidence du réformateur Mohammad Khatami. À l'époque, l'Iran avait accepté la suspension de l'enrichissement d'uranium après des négociations avec la troïka européenne (France, Grande-Bretagne et Allemagne).

L'ancien ministre britannique des Affaires étrangères Jack Straw, le qualifie de «diplomate et homme politique très expérimenté».

Mais «il ne faut pas demander trop et trop vite à M. Rohani», a prévenu un diplomate étranger basé à Téhéran, interrogé par l'AFP. L'ex-président modéré Akbar Hachémi Rafsandjani est plus imagé. Il a rappelé dimanche que «la pluie, quand elle tombe avec exagération, crée des torrents, mais si elle tombe avec modération elle change à la fois la perspective et la réalité de la nature.»

Le président élu a demandé la reconnaissance des «droits» de l'Iran en matière nucléaire pour obtenir des contreparties de Téhéran afin de sortir de l'impasse.

Selon M. Nobakht, qui devrait faire partie du prochain gouvernement, «M. Rohani va intégrer dans son cabinet des réformateurs, des conservateurs modérés, des centristes ou des personnes apolitiques».

Mohammad Reza Aref, le candidat réformateur qui s'est désisté au profit de M. Rohani, facilitant sa victoire, aura aussi sa place. «Nous espérons pouvoir utiliser ses compétences», a dit M. Nobakht, répondant à une des demandes des électeurs qui avaient fêté la victoire de M. Rohani samedi.

Le président du Parlement, le conservateur Ali Larijani, a demandé lundi à M. Rohani d'utiliser «des gens compétents et expérimentés pour régler les problèmes du pays» promettant «l'aide et la coopération du Parlement», selon l'agence Isna.

Enfin, sur le plan économique, M. Nobakht a affirmé que le prochain gouvernement supprimerait les aides directes aux plus riches pour les transférer aux plus défavorisés.

Dans le cadre du plan de suppression des subventions sur les produits énergétiques, l'eau et le pain, le gouvernement donne mensuellement à chaque Iranien 455 000 rials (18,50 $ au taux officiel).

«Nous avons 3,5 millions de chômeurs. Si nous cessons de donner ces allocations aux plus riches, nous pouvons augmenter par quatre l'allocation des chômeurs», a déclaré M. Nobakht.

«La justice sociale veut cela. Les couches favorisées n'ont pas besoin de cette aide, ils ont besoin de sécurité et de stabilité pour leurs investissements», a-t-il dit.