De plus en plus d'Afghanes sont jetées en prison pour avoir tenté de fuir leur foyer, a souligné mardi l'organisation Human Rights Watch (HRW) en dénonçant l'«absence honteuse» de volonté politique de Kaboul et de ses alliés occidentaux pour endiguer cette évolution «alarmante».

«Le nombre de femmes incarcérées pour des crimes contre la morale a augmenté de façon alarmante depuis 18 mois», passant de 400 à 600 selon les chiffres du ministère afghan de l'Intérieur, a déclaré le directeur adjoint de HRW pour la région Asie, Phelim Kine, lors d'une conférence de presse à Kaboul.

Les femmes emprisonnées pour de tels crimes sont le plus souvent accusées d'avoir fui le foyer familial pour des raisons sordides dont les autorités afghanes ne tiennent pas compte: violence conjugale, viols, mariages forcés.

«Cette hausse montre l'absence honteuse et la faillite d'une volonté politique de la part du gouvernement afghan et des bailleurs de fonds étrangers», a poursuivi M. Kine.

«Cette statistique montre l'écart énorme entre la rhétorique de soutien aux droits des femmes afghanes et la réalité», a-t-il dit en regrettant que la communauté internationale n'ait pas conçu de «plans» pour les droits des femmes après fin 2014 et le départ prévu de la grande majorité de la force internationale de l'OTAN qui soutient le gouvernement de Kaboul.

Dans son rapport, HRW cite le cas de Sorya, victime d'un mariage forcé à l'âge de 12 ans puis de mauvais traitements de la part de son mari.

«Après neuf ans et trois enfants, son mari l'a accusée d'avoir fui avec un homme qu'elle ne connaissait même pas», a rapporté M. Kine.

Cette fausse accusation a été suffisante pour faire condamner Sorya à 5 ans et demi de prison bien qu'elle était enceinte au moment de son arrestation, selon HRW. «Son bébé est mort en prison trois semaines après sa naissance», a expliqué M. Kine en appelant le président Hamid Karzaï à publier un décret décriminalisant toute fuite du foyer familial.

HRW, basée à New York, s'est par ailleurs inquiétée des récentes «attaques» au Parlement contre la loi pénalisant les violences contre les femmes.

Adoptée il y a trois ans par décret présidentiel, cette loi, fixant notamment l'âge légal du mariage à 16 ans pour les filles, a été critiquée par des députés qui ont estimé que plusieurs de ses articles étaient contraires «à la loi islamique».

«Si le Parlement renversait cette loi, cela aurait de très sérieuses conséquences pour l'Afghanistan. Les bailleurs de fonds internationaux ne soutiendront pas un pays où des filles de 9 ou 10 ans peuvent être mariées», a estimé Heather Barr, chercheur sur l'Afghanistan pour HRW.

Cette loi est considérée comme l'une des principales réussites du président Karzaï, porté au pouvoir à la fin 2001 par une coalition internationale menée par les États-Unis qui venait de chasser les fondamentalistes talibans du pouvoir.

Sous le régime taliban (1996-2001), les femmes ne pouvaient travailler, aller à l'école ou avoir toute autre activité publique. Leur sort s'est sur ce point amélioré depuis 2001, notamment dans les villes et au niveau éducatif.

Mais nombre d'Afghanes restent confinées à des tâches domestiques dans les régions plus rurales ou reculées, y compris dans des zones où la rébellion talibane est peu implantée.