En Irak, où les attaques visant mosquées sunnites et chiites se multiplient, les unes déclenchant les autres en représailles, la «guerre des mosquées» fait rage, à coups de bombes ou même d'obus de mortier.

Les dizaines d'attaques lancées depuis le début de l'année ont attisé les tensions confessionnelles déjà importantes entre la minorité sunnite et la majorité chiite. Cela ravive le spectre des violences confessionnelles ayant fait des dizaines de milliers de morts après l'invasion américaine de 2003, et éloigne de nombreux fidèles des lieux de culte.

«La fréquence des attaques réciproques contre des mosquées chiites et sunnites a augmenté», explique à l'AFP l'analyste politique Ihsan al-Shammari. «C'est une guerre des mosquées».

Depuis l'invasion de l'Irak par une coalition internationale dirigée par les États-Unis, suivie par la chute de Saddam Hussein en avril 2003, les attentats sont devenus le lot quotidien du pays, ciblant notamment les civils et les forces de sécurité.

À présent, les insurgés visent aussi les mosquées. Ainsi, un double attentat à la bombe visant des fidèles sunnites a fait 41 morts vendredi à Baqouba. Et jeudi, un kamikaze a tué 12 personnes devant un lieu de culte sunnite à Kirkouk.

Selon cheikh Sami al-Massoudi, directeur adjoint de l'Office des biens religieux chiites, plus de 45 mosquées et lieux de cultes chiites gérés par son département ont été touchés cette année.

Un responsable des biens religieux sunnites rapporte de son côté plus de dix mosquées attaquées en avril. «Nous sommes menacés, à tel point que nous ne sommes pas allés au travail lundi dernier après avoir reçu des menaces», ajoute ce responsable sous le couvert de l'anonymat.

Les responsables de ces attaques ne sont pas clairement identifiés. Les attentats contre les lieux de culte chiites sont très probablement le fait d'extrémistes sunnites. Mais les auteurs des attaques contre les mosquées sunnites peuvent aussi bien être des extrémistes chiites que des extrémistes sunnites reprochant aux fidèles de ne pas adhérer à leur vision rigoriste de l'islam.

Ces attentats ont eu un impact sur la fréquentation des mosquées en Irak.

«Je ne vais plus à la prière depuis que la mosquée à côté de chez nous a fermé à cause des attaques», dont l'une a tué il y a deux semaines le muezzin qui lançait l'appel à la prière, affirme Ihsan Ahmed, un sunnite de 25 ans.

«C'est arrivé devant mes yeux, comment est-ce que je pourrais y retourner? Ma femme et mes enfants m'en empêchent», dit-il.

Ali, un chiite de 29 ans, indique que la fréquentation a également baissé dans les mosquées chiites. «Les gens sont maintenant réticents à aller dans les lieux de culte, mais je n'ai pas renoncé à y aller», dit-il.

Pour tenter d'apaiser les tensions, le premier ministre Nouri al-Maliki a appelé dimanche à des prières conjointes sunnites-chiites régulières à Bagdad, qualifiant d'«ennemis» des deux confessions les auteurs d'attaques contre des mosquées.

Le chef du gouvernement, de confession chiite, est contesté depuis plus de cinq mois par des manifestants sunnites qui l'accusent de marginaliser leur communauté et réclament son départ.

Face aux manifestations, le gouvernement a fait quelques concessions, en libérant des prisonniers et en augmentant les salaires des combattants sunnites engagés contre le réseau Al-Qaïda, mais les questions à l'origine des troubles n'ont pas été réglées.

Depuis début mai, plus de 260 personnes ont péri dans des violences, selon un décompte de l'AFP réalisé à partir de chiffres communiqués par des sources de sécurité et médicales.

Chaque mois depuis le début de l'année, les violences ont fait plus de 200 morts, avec un pic à plus de 460 en avril, d'après ce décompte. L'ONU a parlé de plus de 700 morts en avril.

L'envoyé spécial des Nations unies Martin Kobler a estimé qu'il était de «la responsabilité de tous les dirigeants de faire cesser l'effusion de sang».

«Des petits enfants sont brûlés vifs dans des voitures. Des fidèles sont fauchés devant leurs mosquées. C'est plus qu'inacceptable», a-t-il déploré.