«Le matériel est 100 % défaillant et on le sait, mais on nous l'impose», déplore un policier irakien. Même après la condamnation à Londres d'un vendeur de faux détecteurs d'explosifs, ces appareils continuent à être utilisés à Bagdad.

«On ne peut pas désobéir aux ordres directs», poursuit ce policier sous couvert de l'anonymat.

Jeudi, un tribunal londonien a condamné à dix ans de prison James McCormick, l'homme d'affaires britannique qui a gagné des millions d'euros en vendant ces faux détecteurs, notamment à l'ONU et en Irak.

Malgré la démonstration de l'inutilité de ces appareils, le gouvernement irakien n'a pas décidé de les retirer de la circulation dans un pays où les attentats sont pourtant fréquents.

Avril a ainsi été le mois le plus meurtrier en Irak depuis près de cinq ans, selon l'ONU.

Et dans ce contexte de violences, rares sont ceux qui se fient à ces appareils en plastique noir munis d'une petite antenne argentée, censée détecter les substances explosives.

«Ces appareils importés par le gouvernement, c'est comme si quelqu'un se mentait à lui-même et finissait par croire à ses propres mensonges», affirme Yassir al-Khattab, qui tient une boutique d'électronique dans le centre de Bagdad.

«Ils savent très bien que ces détecteurs ne marchent pas, mais ils s'en servent comme d'un outil psychologique», dit-il.

«Même le soldat qui tient l'appareil n'a pas confiance, mais ça lui est imposé», renchérit Salem Mohammed, capitaine dans l'armée irakienne.

«Nous avons déjà dit aux responsables que l'appareil ne marchait pas bien, mais ils voulaient montrer à la population qu'ils avaient fait quelque chose», poursuit-il.

Le gouvernement britannique «responsable»

«Le gouvernement britannique doit être tenu pour responsable de tous les attentats qui ont eu lieu» en Irak, car il a autorisé l'exportation de ces appareils, alors que «c'est un pays avancé qui a de hauts standards concernant les contrôles qualité», martèle le capitaine Mohammed.

«Ils ne savaient pas que ces appareils ne marchaient pas alors même qu'ils les ont examinés? Est-ce qu'ils n'ont pas prélevé de taxes dessus?», lance-t-il.

Advanced Tactical Security & Communications Ltd. (ATSC), la compagnie de James McCormick, prétendait que ses «détecteurs» avaient la capacité de déceler des substances explosives à distance: à 1 km sous terre, jusqu'à cinq kilomètres dans les airs, et 31 mètres sous l'eau.

Mais la réalité était bien différente.

«En vendant autant d'appareils inutiles pour un bénéfice énorme, vous avez créé un faux sentiment de sécurité et, selon toute probabilité, vous avez sensiblement contribué à tuer et blesser des innocents», a déclaré le juge Richard Hone en s'adressant à James McCormick, 57 ans, au tribunal de Old Bailey.

Selon l'inspecteur général du ministère irakien de l'Intérieur, le général Aqil al-Turaihi, un rapport du commandement de la sécurité responsable de Bagdad a noté que dans une zone, l'appareil, de concert avec d'autres mesures de sécurité, avait empêché seulement 19 % des attaques à la bombe.

«Je crois que cet appareil a contribué, de façon intentionnelle ou non (...) à verser le sang des Irakiens», a-t-il dit.

Le vice-ministre de l'Intérieur Adnan al-Assadi a affirmé à l'AFP que les appareils seraient remplacés, sans toutefois préciser par quoi ni quand.

D'ici là, les forces de sécurité irakiennes continueront à contrôler les voitures, attendant que les aiguilles de leurs appareils détectent une menace - une chose qui ne se produira jamais, ou alors par hasard.