L'Irak a suspendu dimanche les licences de dix chaînes accusées d'inciter au confessionnalisme, dont Al-Jazeera du Qatar, dans une tentative de réduire les plus fortes tensions entre sunnites et chiites depuis six ans.

Les violences qui secouent le pays depuis mardi ont fait plus de 220 morts et 300 blessés, selon des responsables.

Elles ont été déclenchées par un assaut des forces de sécurité sur des manifestants sunnites dans le nord du pays hostiles au premier ministre chiite Nouri al-Maliki, suivi par plusieurs attaques de représailles contre les forces irakiennes.

«Nous avons pris la décision de suspendre les licences de certaines chaînes satellitaires qui ont adopté une ligne incitant à la violence et au confessionnalisme», a déclaré à l'AFP un responsable de l'Autorité des médias et des communications, Moujahed Aboulheil.

Parmi elles figure l'influente télévision Al-Jazeera du Qatar, qui accorde souvent l'antenne aux détracteurs de M. Maliki, et des stations locales comme Alsharqiya et Al-Fallujah, dont les équipes ne pourront désormais plus «couvrir les évènements en Irak ou circuler» dans le pays selon le responsable.

«Nous sommes étonnés (...) nous couvrons toutes les parties en Irak, et nous appelons les autorités à maintenir la liberté des médias», a réagi un porte-parole de la chaîne du Qatar.

Cette décision est intervenue alors que l'Irak craint un retour au sanglant conflit confessionnel qui avait suivi l'invasion américaine en 2003. Les violences inter communautaires avaient fait plusieurs dizaines de milliers de morts notamment en 2006-2007.

Depuis décembre 2012, des milliers d'Irakiens manifestent dans les régions à majorité sunnite pour réclamer le départ de M. Maliki, accusé de marginaliser leur communauté. Ce dernier est aussi accusé par des membres de sa coalition gouvernementale et ses détracteurs d'accaparer le pouvoir.

M. Maliki a fait un rapprochement samedi entre ces violences et le conflit en Syrie voisine.

Ces heurts ont «commencé ailleurs dans la région», a dit le premier ministre, en allusion à la guerre en Syrie qui oppose des rebelles, en majorité sunnites, au régime du président Bachar al-Assad, membre de la minorité alaouite, assimilée au chiisme.

Il a demandé aux manifestants de livrer «les criminels» qui ont tué cinq soldats samedi. Le meurtre s'est produit près d'un sit-in à Ramadi (chef-lieu d'Al-Anbar) de manifestants sunnites appuyés par des hommes armés.

Ces meurtres n'ont pas été revendiqués. Des images de la chaîne publique Al-Iraqiya ont montré les corps des soldats portant des traces de torture.

Les milices sunnites progouvernementales Al Sahwa, qui avaient été ces dernières années le fer de lance de la lutte contre Al-Qaïda, avaient menacé samedi les protestataires, leur fixant un ultimatum de 24 heures pour remettre les assassins.

«Nous ne travaillons pas pour le gouvernement et nous ne sommes pas des forces de police pour qu'on nous demande d'arrêter» les criminels. «Nous avons fait ce que nous pouvons en remettant leurs noms», a affirmé Abdel Razzak Al Chammari, l'un des meneurs du sit-in.

Selon le porte-parole des autorités provinciales d'Al-Anbar, Mohammad Fathi, «les auteurs (du crime) n'ont pas été livrés, mais la police a reçu les noms de trois personnes faisant partie d'Al-Qaïda et qui sont recherchées».

Un calme relatif a régné dimanche par rapport aux précédentes journées.

Des hommes équipés d'armes à silencieux ont tué une personne dans la ville de Mossoul dans le nord de l'Irak, tandis qu'un soldat et un gradé de l'armée ont été tués par balle près de Kirkouk, également dans le nord, ont indiqué des sources policières et médicales.

Compliquant encore la situation, des forces de sécurité kurdes se sont déployées samedi près de la ville disputée de Kirkouk, que les Kurdes veulent inclure dans la région autonome du Kurdistan, au grand dam du gouvernement fédéral à Bagdad.

«Kirkouk est de nouveau occupé par les peshmergas (les forces kurdes)», a déploré dimanche le chef des autorités locales arabes de la ville, Mohammed Munshed al-Asi, critiquant cette «force d'occupation».

Le premier ministre Nouri al-Maliki doit rencontrer lundi à Bagdad le chef du gouvernement autonome du Kurdistan, Nechirvan Barzani, au sujet de ce déploiement qui accentue singulièrement les tensions entre les deux camps.