Un ténor de l'opposition koweïtienne, Mussallam al-Barrak, a été condamné lundi à cinq ans de prison ferme pour diffamation à l'encontre du chef de l'État dans un verdict qui risque de raviver la crise politique dans ce riche émirat pétrolier du Golfe.

Le verdict a été suivi par un appel à manifester dès lundi soir lancé par l'opposition qui a averti, il y a deux jours, qu'elle descendrait dans la rue si M. Barrak était emprisonné.

«La cour a condamné le prévenu Mussallam al-Barrak à cinq ans de prison avec effet immédiat», a proclamé le juge Waël al-Atiqi devant une salle d'audience à moitié remplie au Palais de justice.

Il s'agit de la peine maximale pour le délit de diffamation à l'encontre de l'émir et M. Barrak, un nationaliste, est le premier homme politique à y être condamné.

Plusieurs jeunes opposants ont été condamnés avant lui à différentes peines de prison pour des propos tenus sur les réseaux sociaux, notamment Twitter.

M. Barrak était poursuivi pour des propos tenus le 5 octobre, lors d'une réunion politique, qui ont été jugés offensants pour l'émir, cheikh Sabah Al-Ahmad Al-Sabah.

«Je pense que l'escalade entre (opposition et gouvernement) est devenue inévitable après ce verdict en raison du poids politique de M. Barrak qui est perçu comme l'un des ténors de l'opposition», a estimé dans une déclaration à l'AFP l'analyste politique Mohammed al-Ajami.

«La condamnation est un grave développement et l'escalade attendue pourrait favoriser l'unité de l'opposition restée divisée jusqu'ici», a-t-il estimé.

M. Barrak, qui n'a pas assisté à l'audience et attend d'être conduit en prison, a parlé devant ses partisans. «Le verdict est illégal, mais je me rendrais à la police si elle vient me chercher», a-t-il déclaré.

Des centaines de partisans se sont rués sur sa résidence à Al-Andalous, banlieue à 20 km au sud-ouest de la capitale pour lui exprimer leur soutien.

Des officiers sont arrivés ensuite chez M. Barrak pour le conduire en prison, mais ont dû y renoncer pour le moment, les avocats exigeant un ordre d'incarcération par écrit.

L'un des avocats de M. Barrak a dénoncé le verdict. «Il est nul et non avenu parce que des procédures légales ont été violées et parce que la défense n'a pas eu de garanties suffisantes», a déclaré à l'AFP Me Abdallah al-Ahmed.

La semaine dernière, les avocats M. Barrak ont quitté la salle d'audience lorsque le juge a refusé d'entendre les témoins de la défense, dont le premier ministre et deux anciens parlementaires de l'opposition.

M. Barrak avait demandé le report du verdict pour pouvoir réunir une nouvelle équipe d'avocats, mais sa requête avait été rejetée.

L'ex-député avait été détenu quatre jours fin octobre et libéré ensuite sous caution. Il est poursuivi dans d'autres affaires dont celles concernant une attaque contre le siège du Parlement et participation à des manifestations.

L'opposition avait organisé de nombreuses manifestations pour demander la dissolution du Parlement, majoritairement favorable au gouvernement, élu en décembre sur la base d'une loi électorale qu'elle conteste.

Le riche émirat pétrolier, première monarchie du Golfe à s'être dotée d'un Parlement élu en 1962, est secoué par des crises politiques à répétition. Il a connu depuis la mi-2006 dix gouvernements alors que le Parlement a été dissous à six reprises.

Le gouvernement s'apprête à faire passer au Parlement une loi durcissant les délits de presse. Elle prévoit entre autres dix ans de prison pour les atteintes à la religion et plus d'un million de dollars d'amende pour les délits de diffamation de l'émir.