Barack Obama arrive dès aujourd'hui au Moyen-Orient pour tenter d'ouvrir le dialogue sur la question palestinienne. Alors qu'il entame sa première visite en Israël en tant que président américain, les agressions contre la population arabe augmentent en sol israélien. Une violence ordinaire qui suscite l'inquiétude, explique notre collaboratrice.

Propos racistes, agressions en pleine rue, jets de pierres... Ces derniers temps, la liste des attaques à l'encontre d'Arabes israéliens n'en finit plus de s'allonger.

Le 6 mars, Wahad Abu-Zamira, professeure de la banlieue de Tel-Aviv, a été prise à partie par un groupe de jeunes à Jérusalem, au moment où elle rentrait avec une collègue. Trois jours plus tard, trois adolescents de Nazareth ont été arrêtés pour avoir insulté une femme arabe en la pressant violemment de quitter le quartier. Enfin, jeudi dernier, le tribunal d'instance de Jérusalem a émis un acte d'accusation contre l'un des partisans du club de football du Beitar Jérusalem après que ce dernier eut délibérément endommagé un véhicule appartenant à un homme arabe.

Si ces incidents ne sont pas nouveaux en Israël, ils revêtent aujourd'hui un caractère particulièrement inquiétant. «Les nouvelles formes de cette violence ordinaire sont alarmantes, indique Élisabeth Marteu, docteure en science politique et professeure à la Sorbonne. Aujourd'hui, les attaques sont devenues routinières, presque banales. Il est également intéressant de noter que ce sont désormais des adolescents de plus en plus jeunes qui perpètrent ce genre d'action.»

Une minorité de jeunes Israéliens, prêts à en découdre, en viennent à transposer la violence du conflit israélo-palestinien à leur vie quotidienne, glissant progressivement de l'affrontement idéologique à une démonstration concrète de haine.

Malaise profond

«Ce racisme aveugle me fait peur. On assiste en ce moment à des dérives de plus en plus incontrôlables dans l'espace public», s'inquiète Michal Pinto, étudiante à Tel-Aviv.

Pour Jacques Bendelac, économiste et sociologue installé à Jérusalem, auteur de l'ouvrage Les Arabes d'Israël, entre intégration et rupture, ces méfaits sont surtout la preuve tangible du malaise profond d'une frange oubliée de la jeunesse.

«Ceux qui attaquent des Arabes dans la rue viennent très souvent de quartiers défavorisés. Face à l'accroissement des inégalités, ils voient là un moyen de faire entendre leurs voix. En Israël comme ailleurs, marginalité et pauvreté sont des terreaux extrêmement fertiles pour l'extrémisme», se désole-t-il.

De leur côté, les autorités israéliennes dénoncent avec force ces agressions et tentent d'endiguer la violence. Afin de sensibiliser les plus jeunes, le ministère de l'Éducation a notamment décidé la semaine dernière d'ouvrir le dialogue. «À cause des nombreux incidents violents et racistes des derniers jours, une heure sera consacrée en classe à la discussion afin de lutter contre ce genre de dérive et de la prévenir», détaille le ministère dans un communiqué publié le 10 mars.

Une initiative positive, mais qui semble insuffisante. «Aucun acteur n'est réellement investi sur cette question, déplore Elisabeth Marteu. Beaucoup d'associations focalisent sur les bavures policières à l'égard des populations arabes, mais oublient la question des agressions. Personne ne réfléchit à la meilleure manière de combattre cette violence de tous les jours.»

Discours politique violent

«Rien ne sera réglé tant que certains partis politiques demeureront ambigus et laisseront planer une certaine suspicion à l'égard des Arabes israéliens», ajoute Michal Pinto.

En ligne de mire, le leader du parti nationaliste Israel Beitanou, Avigdor Lieberman, qui a récemment affirmé que «sans loyauté, il n'y a pas de citoyenneté». «C'est une attaque à peine voilée contre les Arabes israéliens. À la Knesset, on entend désormais un discours politique violent sur la soi-disant «déloyauté» des Arabes», analyse Elisabeth Marteu.

«Ce genre de déclaration plonge les Arabes d'Israël dans une position paradoxale», ajoute Jacques Bendelac. «On leur demande à la fois de se sentir pleinement israéliens, mais en même temps, on les rejette. Résultat, le processus d'intégration est complètement enrayé.» Entre crispation et radicalisation identitaire, le dialogue entre Juifs et Arabes semble de plus en plus compliqué en Israël. Des difficultés que les deux communautés devront malgré tout dépasser si elles veulent continuer à vivre ensemble.

 

PHOTO ARCHIVES REUTERS

Des partisans du Beitar Jérusalem, club de soccer israélien qui, jusqu'à tout récemment, refusait d'aligner des joueurs qui n'étaient pas juifs.