De profondes divisions sur la loi électorale, dans un contexte de vives tensions liées au conflit en Syrie voisine, risquent d'entraîner un report des législatives prévues dans trois mois au Liban, ce qui fait craindre une nouvelle déstabilisation du pays.

Le dépôt des candidatures pour les élections parlementaires du 9 juin s'est ouvert lundi, mais pas un seul candidat ne s'est enregistré jusqu'à présent, les groupes politiques rivaux chicanant encore sur le découpage électoral qui doit produire le futur Parlement dans ce pays multiconfessionnel.

Le Liban est divisé entre le camp emmené par le puissant Hezbollah chiite - qui domine le gouvernement et est appuyé par Damas et Téhéran -, et l'opposition hostile au régime syrien et soutenue par les États-Unis et l'Arabie saoudite.

Le conflit en Syrie, ex-puissance de tutelle, a exacerbé les tensions latentes au Liban qui a connu lui-même une guerre civile (1975-1990). Des informations font état d'un soutien armé de membres du Hezbollah au régime syrien et d'une aide d'islamistes libanais sunnites à la rébellion, faisant craindre un réel débordement.

«Les protagonistes libanais sont stratégiquement liés à ce qui se passe en Syrie, chacun mise sur un changement ou une pérennité du régime de Damas», d'où un certain attentisme vis-à-vis des élections, explique Fadia Kiwane, directrice de l'Institut des sciences politiques à l'Université Saint Joseph.

Mais, alors que le conflit syrien s'enlise, «il y a une pression internationale pour dire qu'il faut respecter l'échéance» des législatives, car la communauté internationale a peur que le Liban bascule «dans une nouvelle guerre civile», dit-elle.

Les ambassadeurs occidentaux, notamment américain et français, ont ainsi multiplié les appels pour la tenue du scrutin à la date prévue, par peur d'un vide politique en cas de report.

Statu quo

Le statu quo est encouragé par la Syrie, satisfaite de la présence de ses alliés dans le gouvernement actuel et qui craint en cas d'élections le retour au pouvoir de l'opposition hostile à Damas, estime Mme Kiwane.

«Mais ce statu quo pourrait devenir ingérable et la situation peut s'enflammer à tout moment», souligne-t-elle, alors que des incidents se produisent quotidiennement, notamment à la frontière avec la Syrie, et que la tension confessionnelle grandit.

La Constitution de l'après-guerre avait instauré la parité entre musulmans et chrétiens - autrefois majoritaires - au sein du Parlement (128 membres).

Dans un pays où le système politique est basé sur un mélange complexe de répartition de quotas communautaires, les législatives se tiennent à chaque fois selon une loi différente, au terme d'interminables tractations selon les alliances changeantes.

«Les Libanais ont pris l'habitude de faire des accommodations des textes à leur propre situation», estime Mme Kiwane.

Pour le prochain scrutin, pas moins de six projets de loi électorale ont été proposés, dont la loi dite «orthodoxe» stipulant que les Libanais élisent les candidats de leur propre confession.

Largement décrié comme un «projet de nouvelle guerre civile», le texte est soutenu par des partis chrétiens, une confession minoritaire dans le pays.

Les experts s'accordent à dire qu'un compromis sera finalement trouvé, mais que cela impliquera de repousser la date du scrutin pour donner du temps aux candidats de s'organiser.

«On se dirige probablement vers un report technique de trois mois, après l'été», estime Mme Kiwane.