Depuis l'arrivée de deux recrues tchétchènes, le club de soccer du Beitar, à Jérusalem, est de nouveau touché par les débordements de partisans racistes. Mais cette fois-ci, les responsables du club, tout comme les autorités israéliennes, ne comptent pas plier.

Un match conclu sans accroc majeur. Le pari n'était pas gagné dimanche dernier, au moment où l'équipe du Beitar Jérusalem affrontait l'équipe arabe du Bnei Sakhnin. Parce que les rencontres entre le Beitar, ancré historiquement à droite (Likoud), et les équipes arabes du nord d'Israël sont toujours tendues entre les tribunes. Mais encore davantage depuis que le club hiérosolymitain affronte l'hostilité, voire la haine, de certains de ses propres partisans. En cause: le recrutement à la mi-janvier de deux joueurs tchétchènes. Un véritable coup de tonnerre pour une équipe qui n'a jamais compté un seul joueur arabe sur sa pelouse.

Le Beitar fait d'ailleurs figure d'exception dans ce domaine, puisque toutes les autres équipes israéliennes comptent des footballeurs arabes. Mais le club veut aujourd'hui changer son image. Ne plus apparaître comme le club «raciste» du championnat israélien, à l'image des spectateurs les plus radicaux qui gravitent autour d'un groupe fondé en 2005, La Familia. Ces habitués des slogans qui appellent à la «mort des Arabes» dans les gradins ne sont pourtant qu'une petite minorité - une centaine sur 300 000 partisans. Mais cette minorité a réussi en quelques années à gangréner la vie du club et à brouiller son image de marque.

En recrutant les deux Tchétchènes, Zaur Sadayev et Gabriel Kadiev, le club du Beitar a justement voulu renverser le rapport de force: «Ce ne sont pas les performances sportives de ces deux obscurs joueurs qui ont motivé leur venue au Beitar. Il s'agit surtout de dire aux partisans racistes: «Vous ne contrôlez plus nos décisions.» La prochaine étape sera d'embaucher un joueur arabe israélien», explique Jérémy Last, expert du soccer israélien.

Sans surprise, cette décision a allumé la mèche de la colère des radicaux aux blousons or et noir, couleurs du Beitar. D'abord, une banderole dans les gradins lors du premier match suivant l'arrivée des joueurs tchétchènes, le 26 janvier. «Le Beitar pour toujours pur», ou encore d'autres chants haineux au son de «Mort aux Arabes». Avant qu'un incendie criminel ne vienne détruire, la semaine dernière, les bureaux du Beitar, au sud de Jérusalem.

Une jeunesse laissée pour compte

Mais qui sont ces partisans qui font trembler les stades? Parfois comparés aux «jeunes des collines» qui défendent par la violence la colonisation israélienne en Cisjordanie, ces supporteurs ultras sont bien souvent des adolescents peu éduqués issus des grandes tours d'habitation du quartier défavorisé des Katamonim, à Jérusalem-Ouest. Il s'agirait en majorité de sépharades, dont les origines se situent en Afrique du Nord ou au Moyen-Orient (contrairement aux ashkénazes, originaires d'Europe de l'Est). «Beaucoup viennent de familles qui sont arrivées en Israël dans les années 60, mais qui ont été rejetées par la société israélienne alors dominée par les ashkénazes. Ce sont des jeunes en marge», explique Michael Loeb, ancien du mouvement jeunesse de droite Beitar, qui a donné son nom au club de football de Jérusalem.

Coup de vis des autorités

Pourtant, le sentiment antiarabe n'est pas véhiculé par la seule Familia. À l'image des convictions de Mordechai, 20 ans, hostile aux débordements verbaux du groupuscule ultra, mais néanmoins opposé à l'arrivée de joueurs arabes israéliens au sein du Beitar. «J'ai accepté le recrutement des joueurs tchétchènes, car, après tout, ce ne sont pas des Arabes d'ici. Mais je ne veux pas d'Arabes israéliens dans l'équipe. Ce serait illogique. Notre armée combat leurs cousins palestiniens. S'il y avait la paix, ce serait différent, mais ce n'est pas le cas.»

Il reste que les autorités israéliennes semblent aujourd'hui prêtes à combattre de front les dérives racistes des partisans du Beitar. La justice a inculpé, le 7 février dernier, quatre partisans qui avaient injurié l'une des deux recrues tchétchènes lors d'un entraînement. La tribune du stade réservée habituellement aux membres de La Familia a été provisoirement fermée. Ceux qui avaient agressé des ouvriers arabes à la sortie d'un match l'an dernier sont aujourd'hui traqués par la police comme des acteurs de grand banditisme, avec écoutes téléphoniques et filatures. Par ailleurs, la ministre de la Culture, Limor Livnat, a annoncé le versement de 200 000 euros au club du Beitar pour lutter contre le racisme. Ces nouvelles méthodes vont être rapidement soumises à l'épreuve du feu. «Nous pourrions recruter dès l'été prochain le joueur arabe israélien Ahmed Saba'a», laisse entendre un porte-parole du Beitar. L'année dernière, une tentative de recrutement parmi la minorité palestinienne avait échoué sous la pression des radicaux. Qu'en sera-t-il, cette fois-ci?