L'installation médiatisée d'un campement palestinien sur le site même d'un projet de colonisation israélien controversé illustre une nouvelle tactique de «résistance non violente» de la part des Palestiniens et augure d'actions de lutte similaires en Cisjordanie.

Réplique palestinienne des colonies sauvages juives, l'édification surprise d'un camp de toile sur le site du projet E1, entre la Cisjordanie et Jérusalem-Est, évacué dimanche par la police, servira de modèle à d'autres initiatives pacifiques contre l'occupation israélienne, selon les organisateurs.

«Ce n'est pas la fin du combat, il va continuer de façon puissante», a promis le Comité de coordination de lutte populaire, qui regroupe des militants indépendants très actifs contre la barrière de séparation israélienne en Cisjordanie, à l'origine de l'initiative.

Quelque 500 policiers israéliens ont expulsé tôt dimanche quelque 150 activistes palestiniens qui refusaient depuis vendredi de quitter leur campement baptisé «village de Bab al-Chams» («La porte du soleil»).

«Même si nous avons été chassés, notre force est évidente, car la police a dû recourir à des centaines et des centaines d'agents des forces spéciales», ont affirmé les organisateurs.

Le recours à «la résistance non armée» contre la colonisation et l'occupation israéliennes n'est pas nouveau: depuis des années, les Palestiniens militent pour le boycottage économique et culturel d'Israël et organisent des manifestations hebdomadaires, parfois musclées, contre «le mur de l'apartheid» qui sépare Israël de la Cisjordanie.

Défi à l'extrémisme en Israël

Mais la tactique, elle, est innovante, relève Mohammed al-Khatib, un des dirigeants du Comité de coordination. «Le secret de notre succès a été le facteur +choc+, la surprise», a-t-il expliqué dimanche à l'AFP.

Il a raconté que la discrétion qui avait entouré l'opération avait permis de prendre au dépourvu les autorités israéliennes --et à de nombreux journalistes de rejoindre le site avant qu'il ne soit décrété «zone militaire interdite».

Soulignant l'aspect non violent de la protestation, il a noté que même durant leur expulsion les militants palestiniens avaient résisté de façon passive --en se laissant traîner sur le sol-- et qu'aucun membre des forces de sécurité israéliennes n'avait été blessé ou pris à partie.

«Nous ne devons donner aucun argument ou excuse à l'occupant», a-t-il argué, avant d'ajouter: «Il ne s'agit pas de deux armées qui s'affrontent. Nous, nous sommes des citoyens qui réclament nos droits à la liberté, à l'indépendance et à la dignité».

Pour Abdel Majid Souweilim, professeur de sciences politiques à l'université palestinienne Al-Quds, l'initiative de «Bab al-Chams» constitue «un défi direct au virage vers l'extrême droite de la politique israélienne».

«Le message des militants est que cela ne vaut plus la peine de parler de négociations ou de pressions internationales, et que sur le terrain il devrait y avoir une résistance populaire, pacifique, déterminée et démocratique», a-t-il dit à l'AFP.

Le politologue a aussi noté que seuls des militants de base étaient à l'origine de l'opération, preuve que «les Palestiniens ont commencé à prendre des décisions politiques par eux-mêmes, sans se reposer sur leurs dirigeants».

Interrogée par l'AFP, Nour Odeh, porte-parole du gouvernement de l'Autorité palestinienne, remarque cependant que le premier ministre Salam Fayyad appelle depuis longtemps à un mouvement de résistance non violent.

«Le fait que la lutte se focalise maintenant sur le développement délirant et sans précédent de la construction dans les colonies va probablement devenir la principale motivation derrière l'expression de la résistance populaire», prédit Nour Odeh.

«C'est la raison pour laquelle "Bab al-Chams" est né. Et c'est la raison pour laquelle ce type de protestation pourrait bien continuer», conclut-elle.