Elles ne peuvent pas voter. Ni conduire. Ni étudier sans le consentement d'un homme. Et voilà que les Saoudiennes voient le peu de liberté que leur pays leur réserve grugé par les nouvelles technologies. Depuis la semaine dernière, lorsqu'une femme quitte le pays, son «gardien» masculin, que ce soit un mari, un père ou même un fils, reçoit un SMS.

«Votre femme vient de quitter l'aéroport international de Riyad.» C'est ce message, reçu par un Saoudien qui voyageait avec sa femme, qui a alerté la militante des droits de la personne Manal Al-Chérif, qui a ensuite relayé l'information sur Twitter. Mme Al-Chérif est déjà bien connue en Arabie saoudite. L'an dernier, elle a été arrêtée et emprisonnée pendant une semaine après s'être filmée en train de conduire dans les rues du royaume wahhabite. Elle se bat toujours pour que les femmes aient le droit d'obtenir un permis de conduire.

L'Arabie saoudite est le pays qui restreint le plus les déplacements de ses citoyennes féminines, selon l'organisation Human Rights Watch. C'est notamment le seul pays du monde où les femmes ne peuvent conduire et où, à tout âge, elles doivent obtenir l'autorisation d'un tuteur masculin pour voyager à l'étranger. Elles doivent se présenter à l'aéroport ou à la frontière avec une «feuille jaune» prouvant l'approbation du tuteur.

«Avec l'utilisation de nouvelles technologies pour surveiller leurs déplacements, les femmes saoudiennes vont devoir se battre contre une couche supplémentaire d'oppression», estime Homa Hoodfar, professeure de sociologie à l'Université Concordia et experte de l'impact des lois musulmanes sur la vie des femmes.

Une réaction aux progrès?

Mme Hoodfar note que le nouveau contrôle par SMS apparaît au moment même où le mouvement des femmes saoudiennes est à son apogée. L'an dernier, de larges pans de la société saoudienne se sont mobilisés pour demander que les femmes aient le droit de voter et de se présenter aux élections municipales. Le roi Abdallah a affirmé que ce droit leur sera accordé en 2015. Les femmes pourront alors aussi siéger au conseil consultatif que consulte le roi.

Les femmes saoudiennes ont par ailleurs remporté une autre victoire lorsque deux des leurs ont participé aux Jeux olympiques pour la première fois, l'été dernier à Londres.

«La bataille des femmes rend les couches les plus conservatrices de la société encore plus conservatrices», suggère Mme Hoodfar pour expliquer le lancement du nouveau dispositif de surveillance des frontières.

Une des principales craintes de l'experte est de voir la technologie saoudienne exportée vers d'autres pays musulmans conservateurs. «L'Arabie saoudite a beaucoup d'argent et n'hésite pas à s'en servir pour faire croître son influence», souligne Mme Hoodfar.