En relançant leur campagne pour obtenir un statut d'État à l'ONU, les Palestiniens affirment vouloir sauver la «solution à deux États»: une Palestine indépendante aux côtés d'Israël. Mais cet objectif semble de plus en plus difficile à atteindre.

«La solution à deux États est la seule option durable. Mais la porte pourrait bientôt se refermer, et pour de bon», a averti en septembre à la tribune de l'ONU son secrétaire général Ban Ki-moon.

«Israël a été autorisé à saper la solution à deux États, à tel point que ceci est un ultime effort des Palestiniens pour essayer de sauver les chances de paix et la solution à deux États», a renchéri une dirigeante de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), Hanane Achraoui, au sujet de l'initiative du président Mahmoud Abbas pour élever la représentation palestinienne à l'ONU de simple observateur au rang d'État non membre.

Face au blocage du processus de paix, l'option d'un État qui réunirait Israéliens et Palestiniens gagne du terrain.

«Je crois que la création de deux États côte à côte pour deux peuples se respectant l'un l'autre serait la meilleure solution. Toutefois, si nos dirigeants myopes ratent cette occasion, les mêmes principes justes et équitables devraient s'appliquer à un État pour deux peuples», plaidait récemment dans le New York Times Avraham Burg, ex-président du Parlement israélien.

L'idée d'un État binational n'est pas nouvelle. Jusqu'aux années 1980, l'OLP militait pour un État «démocratique» sur toute la Palestine mandataire partagée en 1947.

Cette stratégie a été ensuite abandonnée, les Palestiniens réclamant un État indépendant sur leurs territoires occupés par Israël depuis juin 1967: Cisjordanie, Jérusalem-Est et bande de Gaza, soit 22% du territoire de la Palestine mandataire.

Elle a toujours eu les faveurs d'une minorité des Palestiniens, dont l'intellectuel Edward Saïd (1935-2003) ou l'universitaire Sari Nusseibeh, même si une majorité, qui tend à s'effriter, selon les sondages, continue à privilégier un partage territorial.

En Israël, l'État binational est défendu par une frange de l'extrême gauche et des personnalités de gauche, tels Avraham Burg et le sociologue Meron Benvenisti qui considèrent que de facto Israéliens et Palestiniens vivent dans un État commun.

Mais aussi, pour des raisons opposées, par une partie de la droite, comme les ténors du Likoud Moshé Arens et Reuven Rivlin, et par le lobby des colons, au nom du «Grand Israël».

«Bantoustans»

Aujourd'hui, le débat mobilise surtout étudiants et réseaux sociaux du côté palestinien.

«La solution à deux États est morte et il est temps d'envisager les alternatives», estiment les journalistes Antony Loewenstein et Ahmed Moor, auteurs d'un recueil d'essais, «After Zionism» (Après le sionisme), qui préconise «un État pour Israël et la Palestine».

Les tenants de l'État unitaire considèrent que la poursuite de la colonisation, qui aboutit à des «bantoustans» palestiniens, renforce la mainmise d'Israël sur les Territoires et rend la situation «irréversible».

En un an, entre les deux discours du président Abbas à l'ONU, plus de 20 000 colons se sont installés en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, selon l'OLP. Depuis les accords de paix d'Oslo (1993), le nombre de 193 000 Israéliens établis dans les territoires occupés a quasiment triplé.

«Un partage juste de la terre, avec un droit palestinien au retour (des réfugiés), est impossible. C'est la raison pour laquelle la solution à un seul État gagne du terrain», soutient Antony Loewenstein.

«La solution éthique est un État démocratique, laïque et citoyen», tranche Omar Barghouti, animateur palestinien de la «Campagne internationale BDS» («Boycott, désinvestissement, sanctions»), qui vante le modèle du combat anti-apartheid en Afrique du Sud et de la «Nation arc-en-ciel».

«Il n'existe pas de solution à un État», rétorque le négociateur palestinien Saëb Erakat, «mais la réalité d'un État unique engendrée par la colonisation, les diktats et les faits accomplis israéliens, et dans leur sillage l'apartheid».

«La solution à deux États est la seule réaliste», opine l'avocat-écrivain palestinien Raja Shehadeh. «Mais en fin de compte, le modèle à suivre est celui de la période ottomane, quand toute la région était unifiée», suggère-t-il dans son dernier livre «Occupation Diaries» (Journal de l'Occupation).