Un attentat ayant fait au moins 12 morts à Kaboul mardi, revendiqué par des insurgés afghans, est la réponse la plus meurtrière jusqu'à présent à la diffusion d'un film anti-islam qui agite une partie du monde musulman.

L'attaque à la voiture piégée a été perpétrée tôt dans la matinée sur une large avenue menant à l'aéroport de la capitale afghane, par une femme kamikaze, selon le groupe rebelle Hezb-e-Islami, qui affirme en être l'auteur.

« À environ 6 h 45 (22 h 15 lundi, heure de Montréal) une kamikaze a fait exploser sa voiture sur la route de l'aéroport. Neuf travailleurs étrangers et trois Afghans sont morts, deux policiers ont aussi été blessés », a indiqué la police dans un communiqué.

Huit des douze personnes tuées mardi à Kaboul dans l'attentat-suicide sont des Sud-Africains travaillant pour une compagnie d'aviation privée, a indiqué à l'AFP Nelson Kgwete, porte-parole du ministère des Affaires étrangères sud-africain.

Les victimes sud-africaines « travaillaient pour une compagnie d'aviation privée », a ajouté le porte-parole, sans préciser le nom de cette société.

Sur place, la carcasse du minibus était calcinée et entourée des corps des victimes dont certaines avaient les cheveux blonds, selon un photographe de l'AFP qui a vu au moins six dépouilles reconnaissables d'Occidentaux.

L'attaque a eu lieu à proximité du palais des mariages, où les Afghans se rendent en masse pour célébrer des unions religieuses.

« Mais cela ne veut pas dire que ces palais des mariages étaient la cible, car il n'y avait pas de mariage à cette heure de la journée », a souligné une source sécuritaire. « Il n'y avait pas eu d'attentat-suicide depuis longtemps dans ce quartier ».

Hezb-e-Islami a affirmé avoir perpétré cet attentat en réponse à la diffusion d'un film caricatural produit aux États-Unis, L'innocence des musulmans, qui dénigre le prophète Mahomet.

« L'attentat a été perpétré par une femme prénommée Fatima. Il s'agit d'une mesure de représailles à l'insulte de notre prophète », a déclaré à l'AFP par téléphone Zubair Sidiqi, un porte-parole de ce groupe, le deuxième le plus important au sein de l'insurrection afghane, après les talibans, et dirigé par Gulbuddin Hekmatyar, un ancien chef de la résistance à l'invasion soviétique (1979-1989) et acteur de premier plan de la sanglante guerre civile qui a suivi.

Le Hezb-e-Islami, présent notamment dans l'est de l'Afghanistan et autour de Kaboul et qui s'est déjà montré ouvert à des pourparlers de paix, entretient des liens ambigus avec les talibans, s'alliant à eux dans certaines provinces, les affrontant dans d'autres, tout en continuant de combattre les forces internationales.

De nouveaux heurts ont opposé mardi des policiers à des centaines d'étudiants afghans qui ont brûlé des photos du président américain Barack Obama et scandé « Mort à l'Amérique » lors d'une manifestation à Kunduz (nord), selon un journaliste de l'AFP sur place.

Les violences liées au film ont fait 31 morts depuis l'attaque du consulat américain à Benghazi il y a une semaine.

Les manifestations de protestations au Caire contre ce film anti-islam diffusé sur l'internet ont mis un coup d'arrêt aux discussions sur un allégement de la dette égyptienne aux États unis pour un milliard de dollars, affirme mardi le Washington Post.

Ces discussions visaient à apporter une aide économique cruciale au nouveau gouvernement égyptien, contrôlé par les Frères musulmans et confronté à d'immenses défis économiques après le soulèvement de 2011 qui a mis fin au règne du président Hosni Mubarak.

Mais, selon des responsables de l'administration américaine cités par le quotidien américain, l'Égypte ne doit pas espérer recevoir d'aide substantielle - du moins pas avant l'élection présidentielle américaine du 6 novembre.

Le Caire avait mis du temps à réagir aux violentes manifestations la semaine dernière devant l'ambassade des États unis au Caire et alors que les protestations du même genre se poursuivent dans la région.

Des heurts ont ainsi éclaté mardi au Cachemire indien entre des centaines de manifestants musulmans et les forces de l'ordre. Les échauffourées se sont notamment produites à Srinagar, la principale ville de cette région à majorité musulmane, lorsqu'un groupe d'environ 300 manifestants voulant rejoindre un bureau local des Nations unies a été stoppé par la police, selon un photographe de l'AFP.

L'Inde, qui compte environ 150 millions de musulmans, a condamné le film, le qualifiant d'« insultant ».

IntelCenter, un centre américain de surveillance de sites islamistes, a rapporté mardi qu'Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) a appelé samedi ses partisans à « suivre l'exemple » des assaillants du consulat américain à Benghazi (Libye) et à tuer les ambassadeurs américains dans les autres pays du Maghreb.

AQMI a qualifié la mort de l'ambassadeur américain dans l'attaque à Benghazi de « meilleur cadeau » aux islamistes radicaux à l'occasion de l'anniversaire du 11 septembre 2001 aux États unis, précise le centre américain .

Le groupe appelle à attaquer les ambassades américaines dans les autres pays du Maghreb (Tunisie, Algérie, Maroc et Mauritanie) et à tuer les ambassadeurs des États-Unis.

Lundi, le chef du Hezbollah libanais avait appelé toute la nation islamique à se mobiliser en réaction à ce long-métrage dénigrant l'islam, alors que des manifestations anti-américaines avaient gagné le même jour l'Indonésie et l'Afghanistan et fait deux morts au Pakistan.

La famille de Nakoula Basseley Nakoula, le producteur présumé du film, a été emmenée lundi hors de la banlieue sud de Los Angeles par la police vers un lieu inconnu pour rejoindre ce dernier, disparu depuis samedi, et se cacher.

Un imam salafiste égyptien a lancé une fatwa appelant à tuer tous les protagonistes du film, selon le centre américain de surveillance des sites islamistes SITE.

L'Afghanistan et l'Indonésie, pays musulman le plus peuplé de la planète, avaient connu lundi leurs premières violences depuis le début des protestations il y a une semaine.

À Kaboul, des hommes armés se trouvant parmi les manifestants ont ouvert le feu pendant une manifestation. La police a décidé de ne pas riposter pour ne pas exciter davantage les protestataires, et 40 à 50 policiers ont été blessés, selon la police.

Esclave du diable

Le Pakistan a bloqué l'accès au site de visionnage de vidéos YouTube, après le refus du site de retirer le film jugé blasphématoire, comme demandé par le gouvernement.

Toute tentative de connexion se heurte désormais à un message indiquant que le site a été bloqué pour cause de « contenu indécent » sur ordre des autorités.

Le Parquet général russe a annoncé lundi son intention de faire interdire le film en Russie.

Le président Barack Obama a contacté ce week-end ses chefs de mission en Libye, en Tunisie, au Yémen et au Soudan, pour « faire savoir aux diplomates qu'il pensait à eux, que leur sécurité restait l'une de ses priorités ».

De son côté, le département d'État américain s'est refusé à qualifier « d'acte terroriste » l'attaque du 11 septembre menée contre son consulat à Benghazi et au cours de laquelle son ambassadeur en Libye et trois autres Américains ont perdu la vie.

L'OTAN limite ses opérations conjointes

Cet attentat est le second en dix jours à Kaboul, mais le premier lié à la diffusion du film hostile à l'islam. Le 8 septembre, un adolescent s'était fait exploser à proximité du QG de l'ISAF, la force armée de l'OTAN en Afghanistan, faisant cinq morts et six blessés.

Par ailleurs, l'OTAN a annoncé mardi qu'elle allait limiter le nombre de ses opérations conjointes avec les forces afghanes après que 51 de ses soldats ont été tués cette année par leurs alliés policiers ou soldats afghans.

Cette décision est un revers pour la stratégie de la coalition occidentale qui forme les forces locales dans l'espoir qu'elles puissent assurer elles-mêmes la sécurité du pays après le retrait des soldats étrangers à la fin 2014.

Elle intervient après un week-end noir pour l'ISAF, qui a notamment vu des policiers et militaires afghans tuer six de ses soldats (deux Britanniques et quatre Américains).