Benoît XVI a appelé vendredi au rejet du fondamentalisme religieux et les chrétiens, inquiets de la poussée islamiste au Moyen-Orient, à « ne pas avoir peur », au début de sa première visite au Liban.

La mort d'un manifestant islamiste qui protestait dans le nord du Liban, comme des milliers d'autres à travers le monde musulman contre un film islamophobe, est venue faire un peu d'ombre au premier jour d'une visite de trois jours placée sous le signe de la paix et de la tolérance dans une région minée par les conflits.

Dans un contexte de conflit sanglant en Syrie, il a réclamé la fin des livraisons d'armes à ce pays voisin du Liban où plus de 27 000 personnes ont été tuées, en majorité des civils, en 18 mois.

Cette visite, la deuxième de Benoît XVI au Proche-Orient après la Terre sainte en 2009, est l'un des voyages les plus délicats du souverain pontife, âgé de 85 ans.

Souriant et ému à son arrivée, il a affirmé venir au Liban « comme un pèlerin de paix ». « Au-delà de votre pays, je viens aussi symboliquement dans tous les pays du Moyen-Orient (...) et comme un ami de tous les habitants de tous les pays de la région, quelle que soit leur appartenance ».

Dans un des moments forts de cette visite, le pape a signé en soirée l'Exhortation apostolique - ensemble de directives aux évêques d'Orient - à la basilique Saint-Paul de Harissa, au nord de Beyrouth.

Ce document, dont l'AFP a obtenu une copie, insiste notamment sur la présence ancestrale des chrétiens comme « partie intégrante » du Moyen-Orient, une « laïcité saine », le refus de la violence et d'un « Moyen-Orient monochrome ».

Devant les évêques de toutes les confessions catholiques, le pape a exprimé sa solidarité à quelque 15 millions de chrétiens qui vivent dans les 17 pays du Proche et Moyen-Orient, berceau du christianisme.

« Chers chrétiens du Moyen-Orient (....) Je vous invite tous à ne pas avoir peur, à demeurer dans la vérité et à cultiver la pureté de la foi ».

Sans pointer le doigt sur l'intégrisme islamiste, le pape a lancé un appel « pressant » aux responsables religieux juifs, chrétiens et musulmans de la région, afin qu'ils éradiquent la « menace » du fondamentalisme qui touche « mortellement les croyants de toutes les religions ».

Au Proche et au Moyen-Orient qui a vu l'arrivée au pouvoir de partis islamistes, le souverain pontife a salué un Printemps arabe « positif », y voyant « un désir de davantage de démocratie, de liberté », à condition qu'il soit accompagné de « la tolérance envers l'autre ».

Cette dénonciation de l'intégrisme et de la « falsification de la religion » intervient alors que des manifestations parfois meurtrières ont éclaté à travers le monde musulman après la diffusion sur l'internet d'extraits d'un film réalisé aux États-Unis dénigrant l'islam.

Le Liban en joie

Le pape a été accueilli par les dirigeants libanais, dont le président Michel Sleimane, seul chef d'État arabe chrétien, ainsi que de nombreux dignitaires religieux.

À l'aéroport, une centaine de jeunes rassemblés sur le tarmac ont crié de joie au moment de l'atterrissage, agitant une pancarte sur laquelle on pouvait lire « le Liban en joie, le pape est arrivé ».

« Cette visite nous fait sentir que nous sommes encore importants dans cet Orient », s'est enthousiasmé Elie Moukhaiber, diplômé en ingénierie. « Je suis tellement heureux de participer à cet événement historique, cela nous donne de l'espoir pour l'avenir ».

Le long de la route de l'aéroport, des centaines de personnes dont des femmes en tchador et des scouts affiliés au Hezbollah pro-iranien se sont rassemblés pour saluer le passage du chef des catholiques.

« Nous voulons que ces jeunes soient présents à l'accueil du pape, car nous croyons à la coexistence entre les religions », a affirmé leur superviseur, alors que d'importantes forces de sécurité étaient déployées sur cette route. Les cloches des églises du pays entier ont retenti en hommage au pape.

Quinze ans après la visite historique de son prédécesseur très populaire, Jean Paul II, le pape a repris l'expression de ce dernier, qualifiant à son tour de « message » la coexistence au Liban de nombreuses communautés, dont 35 % de chrétiens et près de 65 % de musulmans.

L'autre moment fort de sa visite sera la rencontre samedi avec les jeunes, chrétiens et musulmans et, au palais présidentiel, les responsables politiques et religieux dont les chefs des communautés musulmanes.

La visite sera clôturée dimanche matin par une messe solennelle sur le front de mer.

Heurts à Tripoli

Cette visite intervient au moment où un film ridiculisant le prophète Mahomet a déclenché des manifestations parfois violentes dans le monde musulman. Au Liban, un fast-food américain de Tripoli, la grande ville du nord, a été attaqué et incendié par 300 manifestants islamistes. L'un d'eux a été tué dans des heurts avec les forces de l'ordre, selon un responsable de la sécurité.

« O musulmans, dites-le assez fort, nous ne voulons pas du pape », ont-ils notamment scandé.