Benoît XVI visite le Liban au moment où la région connaît un véritable exode de chrétiens. Après celles d'Irak, les communautés apostoliques de Syrie sont menacées de disparaître dans la guerre civile et celles du Liban craignent de nouveaux troubles. Certains craignent même un attentat durant la grand-messe de dimanche.

Benoît XVI se rend demain au Liban. C'est la première visite en 15 ans d'un pape au pays du Cèdre. Elle survient au moment où une vague sans précédent de chrétiens fuient les tensions ethniques du Moyen-Orient.

«Il y a une grande crainte que la Syrie sera le prochain Irak», explique John Allen, vaticaniste à l'hebdomadaire américain National Catholic Reporter, joint à Rome. Depuis 2003, 550 000 chrétiens ont fui l'Irak, où la communauté a été fondée au Ier siècle par saint Thomas.

Le pape risque toutefois de limiter ses propos politiques et de se limiter à prôner l'unité des confessions dans le berceau du christianisme, selon M. Allen. «Il ne peut pas prendre position pour ou contre Assad, pour ou contre une intervention étrangère. Il y a trop de points de vue différents sur ces questions. Et chacune de ces positions a des inconvénients pour les chrétiens. Par contre, les chrétiens gagneraient à être plus unis. Traditionnellement, chaque Église gardait jalousement ses prérogatives. Les chrétiens ne présentaient pas des revendications communes aux autorités musulmanes. Il est difficile pour une minorité de préserver ses intérêts quand elle est divisée.» Il existe une vingtaine d'Églises chrétiennes différentes au Liban et en Syrie.

L'Église maronite a rencontré des responsables du Hezbollah chiite pour s'assurer que la sécurité du pape était garantie, selon M. Allen. «Et ils ont dit qu'ils étaient heureux de sa visite. Je ne crois pas qu'il y aura d'attentat direct contre lui.»

Menaces variées

Le seul leader musulman qui a condamné la visite de Benoît XVI, Omar Bakri, est peu crédible, selon Sami Aoun, politologue à l'Université de Sherbrooke. «Il est présent à Tripoli et dans le nord du Liban, mais n'y est même pas une référence majeure, dit M. Aoun. Il a une orientation politique douteuse, on ne connaît pas bien ses engagements. D'un côté, il appuie la révolution syrienne à tendance islamiste sunnite. D'un autre côté, quand il a été incarcéré en Syrie, c'est un député du Hezbollah chiite qui l'a fait libérer.» Le Hezbollah est l'allié du régime Assad.

Dans une entrevue à La Presse à la mi-août, le jésuite italien Paolo Dall'Oglio, qui a habité en Syrie pendant 30 ans avant de s'en faire expulser au printemps dernier printemps, a avancé que le gouvernement syrien pourrait pousser Al-Qaïda à faire un attentat à Beyrouth durant la visite de Benoît XVI, dans l'espoir que cela ne discrédite les rebelles syriens. «Je pense que personne ne visera le pape, dit M. Aoun. Mais il est certain qu'on pourrait tenter de détourner l'attention avec des désordres.»

L'horaire du pape

Benoît XVI se rend en Liban officiellement pour livrer une «exhortation» - ses commentaires - sur un synode des Églises orientales qui s'est tenu en 2010 à Rome. Samedi, il rencontrera des leaders musulmans et des ministres, et dimanche, il fera une messe en plein air au centre-ville de Beyrouth, à côté du Centre d'exposition BIEL.