Pour beaucoup de ses compatriotes arabes israéliens, Nadine, 19 ans, une musulmane qui effectue son service civil national à l'Hôpital de Haïfa (nord), est tout simplement une traîtresse, mais elle s'en moque et affirme songer à son avenir.        

À l'instar des Juifs orthodoxes, les Arabes d'Israël (1,3 million d'âmes, soit 20 % de la population) échappaient jusqu'ici au service militaire ou civil obligatoire en vertu de la loi Tal considérée comme caduque à compter du 1er août selon un arrêt de la Cour suprême.

Le service militaire obligatoire est de 3 ans pour les hommes et de 2 ans pour les femmes.

Faute d'accord au sein de la coalition gouvernementale de Benyamin Nétanyahou sur un texte de substitution à la Loi Tal, les Arabes d'Israël se mobilisent contre l'éventuel enrôlement des jeunes âgés de plus de 18 ans par le ministre de la Défense Ehud Barak, désormais seul habilité à trancher pour les exemptions.

Nadine, qui préfère garder l'anonymat, ne s'en soucie guère. Pour elle, le service civil national, une alternative au service armé, est l'occasion d'avoir un salaire. « Et plus tard, cela m'ouvrira beaucoup de portes quand je chercherai un emploi », dit-elle.

Elle travaille sept heures par jour et six jours par semaine pour gagner 850 shekels par mois (210 $), et obtiendra en prime quelque 14 000 shekels (3454 $) à l'issue de ses deux ans de service civil ainsi qu'un certificat du ministère de la Défense.

« Cela m'aidera, car je sers mon pays », dit-elle en soulignant qu'un de ses frères effectue son service dans les rangs de l'armée israélienne.

Même approche pour Reem, 20 ans, employée au département de neurochirurgie de l'hôpital Rambam de Haïfa: « j'aime aider les gens et me rendre utile à la société (...) J'effectue mes 164 heures mensuelles de service national, car je vis dans ce pays, et cela n'a rien à voir avec la politique ».

28 000 Arabes concernés l'an prochain

Toujours est-il qu'à la rentrée parlementaire, en octobre, les efforts en vue d'une loi visant à imposer un service civil ou militaire à tous les Israéliens âgés de plus de 18 ans vont probablement reprendre.

M. Nétanyahou s'est engagé en ce sens, estimant que « le fardeau doit être partagé équitablement par tous ».

« De quel fardeau parle-t-il? », s'interroge cependant le juriste Ayman Odeh, président de la Coalition arabe contre le service national.

« Suis-je un partenaire lorsqu'il s'agit de fixer ce fardeau? Ou est-ce l'État d'Israël qui s'en charge et impose aux Arabes de servir un État et une mentalité qui les excluent », demande-t-il encore.

Même virulence pour le mouvement de jeunesse Baldna créé en 2007 et basé à Haïfa qui fait campagne contre le service armé ou civil des Arabes israéliens.

Son directeur, Nadim Nashef, s'élève ainsi contre le lien établi entre le service civil national et l'appareil sécuritaire.

« Celui qui achève son service civil signe un document dans lequel il s'engage à rallier les rangs de la Défense passive de l'armée israélienne en cas de guerre », indique M. Nashef.

Il conteste l'équation entre droits et devoirs du citoyen, estimant que « l'État est au service des citoyens et non l'inverse, car les droits ne sont pas négociables ». Et d'ajouter qu'en étant soumis au service militaire ou civil de l'État juif, les Arabes israéliens « compromettraient leur identité palestinienne ».

Selon des chiffres de Baldna, quelque 2400 Arabes effectuent actuellement un service civil national en Israël. Mais, si la Knesset (Parlement) promulgue une loi de conscription universelle, cela concernera l'an prochain quelque 28 000 Arabes israéliens âgés de plus de 18 ans.