La création d'un État palestinien aux côtés d'Israël est-elle encore possible? Plusieurs observateurs du conflit prédisent la mort de la «solution à deux États». Les plus optimistes refusent de l'enterrer, mais admettent que le prix à payer sera de plus en plus élevé. De chaque côté.

D'ici à la fin de l'année 2013, la création d'un État palestinien sera sérieusement mise en péril, croit l'expert de Jérusalem, Daniel Seidemann. Les colonies israéliennes à l'intérieur de la municipalité vont finir de couper la ville sainte de la Cisjordanie, dit-il.

«Aujourd'hui, c'est encore possible de tracer une ligne sur la carte pour la création d'un État palestinien», estime l'avocat israélien, qui est fréquemment consulté par les diplomates sur la question de Jérusalem et défend parfois des Palestiniens dans des litiges concernant les propriétés et les terres. «C'est plus difficile qu'il y a 10 ans, mais ce n'est pas encore fatal. Dans un an et demi, ce ne sera plus possible. Si les constructions vont de l'avant comme prévu, la carte ne permettra plus la solution à deux États.»

Outre le mur et les barrières, plusieurs colonies séparent Jérusalem de Ramallah, au nord, et de Bethléem, au sud, où la construction n'est pas terminée. À l'est, un projet d'expansion d'un bloc de colonies menace de verrouiller davantage la ville.

Sans continuité géographique entre Jérusalem et la Cisjordanie, impossible de mettre sur pied un pays qui inclurait la partie est de la ville. Or, l'établissement de Jérusalem comme capitale est perçu comme une condition sine qua non à la création d'un État palestinien - maintes fois répétée par la communauté internationale. Les Israéliens, qui ont annexé la partie est de la ville en 1967 dans un geste non reconnu, considèrent Jérusalem comme indivisible.

Quartiers ou colonies?

En Israël, l'idée même que certains quartiers de la ville puissent être perçus comme des colonies illégales par le reste du monde suscite des froncements de sourcils.

«Gilo n'est pas une colonie, affirme Olga Lomkin, rencontrée dans cette partie de la ville où elle habite. Ça appartient aux Juifs. Nous avons totalement le droit de vivre ici.»

Pourtant, Gilo, situé dans le sud de la ville, est bien à Jérusalem-Est. Même si les appartements en pierres blanches sont relativement récents et habités majoritairement par des Israéliens juifs, l'endroit est situé du mauvais côté de la ligne verte, démarcation tracée en 1949 et toujours utilisée comme point de référence.

À Gilo et dans les colonies voisines, les constructions vont bon train. Devant les chantiers, des photos illustrent les projets immobiliers à venir.

«Je ne crois pas que Jérusalem devrait être divisé», ajoute la femme de 27 ans originaire de Russie, qui s'oppose à la création d'un État palestinien.

Pourtant, il suffit de faire un tour dans la ville pour constater les divisions flagrantes entre la partie juive et la partie arabe de Jérusalem. D'un côté, des arbres et des fleurs poussent le long de larges routes bien entretenues. De l'autre, des détritus s'accumulent en bordure des rues et la végétation est rare. Les deux populations se mélangent rarement, sauf au coeur de la vieille ville.

«Les Israéliens pensent que la ville est unie, mais ce n'est pas le cas au quotidien, souligne Elisha Efrat, géographe et professeur émérite de l'Université de Tel-Aviv. Dans les faits, nous avons deux villes. À l'est, les Arabes ont leurs propres écoles, leur propre langue, leurs journaux, leur propre système d'autobus... Tout est différent. Il n'y a que les touristes qui vont des deux côtés.»

En cherchant à rendre Jérusalem indivisible, les Israéliens ont voulu notamment protéger leurs lieux sacrés. Les principaux lieux saints du judaïsme, du christianisme et de l'islam à Jérusalem se trouvent confinés derrière les remparts de la vieille ville.

«C'est le seul endroit de la ville où les Israéliens et les Palestiniens vivent très près les uns des autres, souligne l'ancien ambassadeur du Canada en Jordanie Michael J. Molloy, dans une entrevue téléphonique. C'est vraiment l'endroit d'où tout peut s'écrouler.»

Comme des douzaines de groupes de chercheurs partout dans le monde, M. Molloy et deux confrères ont planché sur une solution originale au conflit, tentant d'offrir une nouvelle voie - et un peu d'espoir. Ils ont rapidement conclu que la vieille ville était au coeur du problème et nécessiterait une résolution extraordinaire. Ils ont présenté aux principaux acteurs d'éventuelles négociations leur «régime spécial» pour la vieille ville, pour lequel une police internationale serait mise sur pied. Leur initiative est hébergée par l'Université de Windsor, en Ontario, et financée en partie par des fonds du gouvernement canadien, qui ne participe toutefois pas au contenu.

Pour l'instant, ils ignorent si leurs propositions pourraient servir de modèle à un éventuel règlement. Mais la nécessité d'apporter de nouvelles idées pour Jérusalem se fait sentir. «Ce conflit ne se terminera peut-être jamais, souligne Daniel Seidemann. Mais s'il se termine, il se termine à Jérusalem. Il n'y a pas de solution sans régler le problème de Jérusalem.»

Et plus la solution tarde, plus les risques d'embrasement sont grands, ajoute-t-il.