Ameer Salaymeh est un résident illégal. En Israël, dans les Territoires palestiniens et partout ailleurs. Le jeune homme se bat contre une situation kafkaïenne. Il n'a jamais eu de numéro d'identité. Il ne peut ni étudier ni travailler. Il craint de sortir de chez lui, de peur d'être expulsé. Mais vers où?

Les contrôles d'identité, à Jérusalem, sont fréquents. Surtout aux abords des remparts de la Vieille Ville. Surtout pour les jeunes hommes palestiniens.

Pour Ameer Salaymeh, la vue de ces soldats israéliens est une grande source d'angoisse, au point où il n'ose plus sortir de chez lui. Le jeune homme de 21 ans n'a jamais eu de papiers d'identité. Faute de pouvoir prouver qui il est, il a été emmené au poste de police à plus d'une reprise. Considérant sa présence à Jérusalem comme illégale, un agent a voulu l'expulser, mais ne savait pas où l'envoyer. «Il [Ameer] nous a appelés quand il était avec la police, confirme son avocate Adi Lustigman, qui travaille pour l'ONG israélienne Hamoked. Le policier nous a dit qu'il voulait l'expulser, mais ne savait pas vers où. C'est une situation complètement folle.»

La situation d'Ameer est particulière: toute sa famille immédiate possède la carte de résidence permanente donnée par les Israéliens aux Palestiniens de Jérusalem-Est. Mais pas lui. Sa mère était en visite dans un village de Cisjordanie lorsqu'il est né. Il n'a été inscrit à aucun registre.

Sans numéro d'identité, il ne peut s'inscrire à l'université ou travailler. Il ne peut obtenir un permis de conduire ou ouvrir un compte en banque. Il n'a aucun statut légal. Nulle part.

Son père, Naim, jure avoir tenté à maintes reprises de l'inscrire, enfant, comme résident de Jérusalem. Sans succès. Il a tout de même réussi à le faire admettre à l'école malgré les obstacles.

Cas exceptionnel

Le cas d'Ameer reste exceptionnel. Son avocate a traité une dizaine de dossiers semblables, tout au plus. Pour certains, un statut de résident temporaire renouvelable a été accordé.

La cause doit être entendue en cour cette semaine. Ameer craint d'être envoyé en Cisjordanie - une décision qui requerrait, de toute façon, l'accord des autorités israéliennes. «Même s'ils acceptaient de me donner un numéro d'identité palestinien, je refuserais, dit le jeune homme aux cheveux gominés. Je n'ai rien là-bas. Ma vie est ici, ma famille est ici.»

La porte-parole du ministère de l'Intérieur, Sabine Haddad, concède que le problème est complexe. «Ce n'est pas si facile d'expulser une personne qui n'a aucune résidence ou citoyenneté, donc ça dépend de chaque cas», a-t-elle précisé dans un courriel.

Selon elle, la situation a été compliquée par le lieu de résidence contesté de la famille Salaymeh il y a quelques années. «M. Salaymeh et ses parents vivaient la majeure partie du temps à Qalandia [village de Cisjordanie], même s'ils disaient qu'ils vivaient ici [à Jérusalem], ce n'était pas vrai. Pour cette raison, la requête avait été rejetée», souligne Mme Haddad.

Le statut n'est pas accordé automatiquement même si les deux parents détiennent la résidence. Au cours des dernières années, des milliers de Palestiniens, résidents permanents de Jérusalem-Est, ont aussi perdu leur statut en habitant à l'extérieur des frontières de la municipalité pendant un certain nombre d'années. Plusieurs d'entre eux avaient obtenu un autre statut ou une citoyenneté à l'étranger.

La famille Salaymeh concède avoir eu une autre demeure à Qalandia, mais affirme que le centre de sa vie a toujours été à Jérusalem. «Nous ne sommes pas retournés à Qalandia depuis sept ans, affirme Naim Salaymeh. Je paie les factures d'électricité ici, la taxe municipale, l'eau, tout, à Jérusalem.»

En attendant une décision de la cour, Ameer trouve le temps long à la maison. Il passe ses journées dans le petit salon aux murs plaqués de bois, devant son ordinateur, ou à la cuisine, à aider sa mère. La première chose qu'il ferait, avec un numéro d'identité, serait de s'inscrire à l'université, comme ses frères qui étudient le droit et l'ingénierie. «J'aime étudier, dit-il. Tout ce que je veux, c'est une vie, pas une vie extraordinaire, quelque chose de simple, de normal. Étudier, vivre ma vie. C'est tout.»