Les dirigeants arabes, réunis jeudi en sommet à Bagdad, ont appelé le régime syrien et l'opposition à un dialogue «sérieux» et rejeté toute intervention militaire en Syrie, où l'armée poursuivait ses assauts sur les villes rebelles.

À Damas, le président Bachar al-Assad a annoncé avoir accepté le plan de sortie de crise de l'émissaire international Kofi Annan, mais a lié sa réussite à l'arrêt des «actes terroristes», en référence aux opérations menées par les rebelles qui combattent le régime, des déclarations jugées «décevantes» par Washington.

À l'exception de la Tunisie, aucun des 21 pays représentés n'a appelé directement à un départ du président Assad lors de ce sommet de la Ligue arabe organisé à Bagdad pour la première fois depuis plus de 20 ans.

Dans sa résolution finale, les Arabes demandent au «gouvernement syrien et à toutes les composantes de l'opposition d'adopter une attitude positive envers la mission (de M. Annan) en entamant un dialogue national sérieux basé sur le plan soumis par la Ligue arabe et la résolution adoptée par l'Assemblée générale de l'ONU».

Ils se déclarent par ailleurs en «faveur de l'unité et la stabilité de la Syrie et contre toute intervention militaire».

Ils «condamnent les violations des droits de l'Homme contre les civils et considèrent le massacre de Baba Amr commis par les forces militaires et de sécurité syriennes comme des crimes contre l'humanité».

Baba Amr et d'autres quartiers rebelles de la ville de Homs (centre) ont fait l'objet de pilonnages incessants pendant des semaines par les autorités syriennes pour faire plier la révolte contre le régime, qui a éclaté en mars 2011 et dont les violences ont fait plus de 9.100 morts selon une ONG.

Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon, présent au sommet, a appelé le président Assad à appliquer sans délai le plan de M. Annan qui prévoit la cessation des violences par toutes les parties, la fourniture d'aide humanitaire et la libération des personnes détenues arbitrairement.

Le président Assad a indiqué avoir accepté ce plan, soulignant que son pays «n'épargnera aucun effort pour (le) faire réussir», dans une déclaration rapportée par l'agence officielle Sana.

Le chef de la Ligue arabe, Nabil al-Arabi y a vu un «signe d'espoir» mais a jugé que le plan devait être appliqué «immédiatement».

M. Assad a cependant implicitement soumis sa réussite à l'arrêt du soutien apporté selon lui aux «groupes terroristes» (rebelles) par des pays de la région, sans les nommer.

«Pour faire réussir la mission d'Annan, il faut faire tarir les sources du terrorisme visant la Syrie et en provenance de pays qui ont annoncé avoir financé et armé les groupes terroristes», a-t-il dit.

Damas accuse des pays du Golfe, notamment l'Arabie saoudite et le Qatar, de financer et d'armer l'opposition.

Ces deux pays, qui se sont dits en faveur de l'envoi d'armes à l'opposition, ont boudé le sommet en n'y envoyant que des responsables de second rang.

Le premier ministre irakien Nouri al-Maliki s'est lui montré fermement opposé à cette idée.

«D'après notre expérience en Irak, armer les deux camps dans le conflit va conduire à une guerre régionale et internationale par procuration en Syrie», a-t-il dit. Cela «préparera le terrain pour une intervention armée étrangère en Syrie, ce qui porterait atteinte à la souveraineté d'un pays arabe frère», a-t-il dit.

Moncef Marzouki, le président de la Tunisie, où a été lancé le Printemps arabe, a eu des mots très durs envers le régime syrien et a appelé le président Assad à se retirer. «Il faut accroître la pression et convaincre ses derniers alliés que ce régime est mort, qu'on doit y mettre fin et qu'il n'a pas d'avenir».

Au total, dix chefs d'État des pays membres étaient présents au sommet. La Syrie en était absente, car suspendue par la Ligue arabe en raison de la répression. Un responsable syrien avait indiqué récemment que Damas rejetterait par conséquent toute initiative émanant de la Ligue arabe.

L'Iran en revanche a tenu à afficher son soutien sans faille au régime syrien par la voix de son guide suprême l'ayatollah Ali Khamenei qui a affirmé que la république islamique «défendra la Syrie en raison de son soutien à la résistance antisioniste», en recevant le premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan dans la ville sainte de Machhad.

En Syrie, au moins 21 civils ont été tués jeudi dans des violences dans les provinces d'Alep, d'Idleb, de Homs et de Hama dans le centre de la Syrie, où 14 militaires et un rebelle ont également péri, selon une ONG syrienne. Par ailleurs, deux journalistes pigistes, dont un Britannique d'origine algérienne, ont été tués lundi à la frontière syro-turque par l'armée syrienne, a indiqué Reporters sans frontières (RSF).

Le sommet de Bagdad, qui s'est tenu sous ultrahaute sécurité, officialisait aussi le retour de l'Irak dans la famille arabe et a été marqué par une visite historique de l'émir du Koweït, cheikh Sabah Al-Ahmad Al-Sabah, plus de vingt ans après l'invasion de son pays par les troupes de Saddam Hussein.

La rencontre de Bagdad marquait également l'arrivée sur la scène arabe d'une série de nouveaux dirigeants dans la foulée de la vague révolutionnaire qui a bouleversé la région depuis fin 2010. Le dernier sommet arabe s'était déroulé à Syrte (Libye) en 2010 et avait été présidé par le colonel Mouammar Kadhafi, déchu et tué depuis.