Kadima, premier parti d'opposition en Israël, a opté massivement lors de sa primaire pour un nouveau chef, Shaul Mofaz, tournant le dos à la discrète Tzipi Livni, afin de tenter d'enrayer son déclin face au Likoud de Benyamin Nétanyahou, apparemment indéracinable.

M. Mofaz, un général de réserve de 63 ans, a aisément gagné mardi, avec 61,7% des suffrages exprimés contre 37,23% à sa rivale, qui ne l'avait battu que de 400 voix à la précédente primaire en 2008, selon les résultats définitifs du scrutin publiés mercredi.

«Kadima va prendre un nouveau chemin pour se poser en alternative à ce mauvais gouvernement Nétanyahou. J'ai bien l'intention de gagner les élections et de remplacer Nétanyahou», a-t-il proclamé après son triomphe.

Fort de ce raz-de-marée, cet ancien chef de la Défense estime être à l'abri d'une scission des troupes de son adversaire au sein de Kadima, et donc d'une implosion du parti. «J'appelle Tzipi Livni à nous rejoindre dans la lutte qui s'engage (...) Tzipi, ta place est avec nous», a-t-il lancé.

Cette dernière lui a téléphoné pour le féliciter, mais, prétextant devoir se reposer après deux mois «très longs» de campagne électorale, elle a réservé sa réponse.

Porté par Mme Livni, le Kadima, au centre de l'échiquier politique, est devenu le principal parti d'Israël avec 28 députés aux législatives de 2009, mais il s'est depuis lors étiolé dans l'opposition.

Qu'il soit dirigé par Shaul Mofaz ou sa rivale déchue, les sondages le créditent au mieux d'une quinzaine d'élus sur 120 au Parlement, très loin derrière le Likoud (droite nationaliste).

Femme de principes, Tzipi Livni a refusé de s'accommoder d'un compromis en vue d'un accord de coalition gouvernementale avec «Bibi» Nétanyahou qu'elle accuse d'avoir provoqué le gel des négociations de paix avec l'Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas.

Durant sa campagne pour la primaire, elle a averti que le Kadima risquait de devenir «un Likoud bis» sous la direction de M. Mofaz, même si ce dernier a promis de supplanter M. Nétanyahou grâce à un programme résolument social en mordant sur la base électorale du Likoud, à droite, et du Parti travailliste, à gauche.

«Shaul Mofaz brandit la bannière sécuritaire et sociale pour rallier les sépharades (juifs orientaux)» défavorisés, estime l'analyste politique de la radio publique, Hanan Crystal.

L'ancien chef d'état-major table sur sa popularité parmi cette communauté, notamment parce qu'il vit à Kochav Yaïr, localité de la «périphérie» déshéritée d'Israël proche de la ville palestinienne de Qalqilya en Cisjordanie.

Flanqué d'un ex-chef de l'armée, Dan Haloutz, et d'un ancien patron du Shin Beth (sécurité intérieure), Avi Dichter, Shaul Mofaz joue de sa réputation de partisan de la manière forte.

Natif d'Iran, il apparaît aussi comme l'homme de la situation au moment où M. Nétanyahou et son ministre de la Défense Ehud Barak n'excluent pas d'attaquer les installations nucléaires de la République islamique.

«Le Kadima et le Likoud sont des partenaires naturels et peuvent s'entendre pragmatiquement. La crise iranienne justifierait que M. Mofaz, vu son expérience politique et militaire, soit associé aux décisions», a estimé à la radio publique l'ancien ministre Tzahi Hanegbi, un proche de Mme Livni.

Selon lui, le calendrier politique «ne se prête pas pour l'heure» à ce scénario, mais pourrait être envisagé «après les prochaines élections».

Le ministre de l'Intérieur Elie Yishaï s'est d'ailleurs empressé d'appeler M. Mofaz à rallier «un cabinet d'urgence nationale».

La législature s'achève en octobre 2013, mais les rumeurs de législatives anticipées à l'automne se multiplient, malgré les démentis de M. Nétanyahou, qui a facilement triomphé en février d'une primaire au Likoud.

Les sondages prédisent unanimement à M. Nétanyahou une victoire à la prochaine consultation et l'assurance d'un troisième mandat de premier ministre.