Un État palestinien souverain? Sari Nusseibeh n'y croit plus. L'ancien conseiller de Yasser Arafat, autrefois grand défenseur de cette solution, pense qu'il est temps d'envisager d'autres options. Quitte à accepter une fédération ou un statut de résidant d'Israël pour tous les Palestiniens, explique-t-il dans un livre qui paraît ces jours-ci. Notre correspondante l'a rencontré.

Une immense chaise bleue trône toujours au centre de Ramallah, en Cisjordanie. Le symbole rappelle la tentative de reconnaissance d'un État palestinien à l'ONU en septembre dernier. La demande est restée lettre morte. Mais l'idée d'un pays souverain est toujours bien vivante pour une majorité de Palestiniens.

Le philosophe Sari Nusseibeh a longtemps partagé ce rêve. Ancien haut représentant de Jérusalem pour l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), il fait partie du camp des colombes. Son plan de paix, élaboré en 2003 avec l'ancien chef israélien de la sécurité intérieure Ami Ayalon, avait récolté l'appui de 160 000 personnes. Il prônait alors la création de deux États distincts.

Aujourd'hui, il souhaite toujours aussi ardemment une résolution du conflit israélo-palestinien. Mais il ne croit plus à la probabilité d'une Palestine indépendante.

Cul-de-sac

«La solution des deux États, dans sa forme classique, est dans un cul-de-sac, dit l'homme de 63 ans à la chevelure blanche. Les choses ne peuvent qu'empirer pour les Israéliens et les Palestiniens. La situation est dans une impasse. Dans ce contexte, qu'est-ce qu'on peut faire? Je suggère qu'on arrive avec une solution qui n'est pas nécessairement celle d'un État unique, avec laquelle Israël ne serait pas satisfait, ni celle de deux États, mais quelque chose entre les deux. Une troisième voie.»

Une fédération, par exemple, où la Palestine et Israël partageraient un espace économique et territorial commun, tout en gardant certaines compétences. Ou une carte de résidence donnée à tous les Palestiniens, un peu comme celle que possèdent les habitants palestiniens de Jérusalem.

Ce dernier scénario permettrait aux Palestiniens d'avoir accès aux services israéliens et d'avoir une plus grande liberté de mouvement, sans pour autant avoir voix au chapitre dans les décisions gouvernementales.

Il a présenté cette idée, notamment, dans une série de conférences données l'été dernier, publiée sous forme d'essai. Le recueil, Une allumette vaut-elle toute notre philosophie?, qui revient également sur le printemps arabe, est paru le 8 mars au Québec.

Pistes pour l'avenir

Assis dans son bureau de Jérusalem-Est, le directeur de l'Université Al-Quds est bien conscient de la marginalité de ses idées. Il ne croit pas que les Palestiniens ni les Israéliens soient prêts à les envisager pour le moment. Mais il tente d'apporter des pistes de réflexion.

«Ma vie politique est terminée, précise-t-il. J'ai milité pour la solution des deux États, mais en ce moment, je ne milite plus. J'apporte des idées en espérant que, plus tard, les gens y trouveront de l'espoir.»

Selon lui, les choix politiques doivent évoluer avec les réalités qui changent sur le terrain. Les colonies qui prennent de l'expansion et les divisions politiques, notamment.

Le philosophe entrevoit un avenir sombre pour les Palestiniens et les Israéliens dans la prochaine année. Mais il espère se tromper.

«J'espère vraiment que j'ai tout faux, soupire-t-il. J'aimerais encore la création de deux États, parce que c'est la solution la moins douloureuse. Mais je ne crois pas que ce soit réalisable maintenant.»