Après avoir quitté sa base au petit matin et marché près de deux kilomètres pour atteindre le premier de trois villages dans la province de Kandahar, bastion taliban du sud de l'Afghanistan, un sergent de l'armée américaine est allé de porte en porte, tentant de s'introduire à l'intérieur.

Il a finalement réussi à entrer dans trois maisons et à abattre, de sang-froid, au moins 16 personnes, dont 9 enfants et 3 femmes, selon des responsables afghans et américains. Dans un des villages, il a rassemblé 11 dépouilles, dont celles de 4 fillettes de moins de 6 ans, et y a mis le feu, perpétrant ainsi ce qui est probablement l'acte le plus horrible commis par un soldat américain depuis le début de la guerre en Afghanistan.

Puis il est retourné à sa base, où il a été placé en détention peu après.

Le carnage, dont le mobile n'était pas encore connu au moment de mettre sous presse, ne pouvait pas plus mal tomber. La colère soulevée par l'incinération d'exemplaires du Coran sur la base américaine de Bagram venait à peine de s'apaiser en Afghanistan, où six soldats américains ont été abattus par leurs collègues afghans entre le 23 février et le 1er mars.

Le président afghan Hamid Karzaï a condamné le massacre de dimanche, en le qualifiant d'«assassinat».

«Le gouvernement a condamné à maintes reprises des opérations conduites sous le nom de guerre contre la terreur, qui causent des pertes civiles. Mais quand des Afghans sont tués délibérément par des forces américaines, il s'agit d'un assassinat et d'une action impardonnable», a-t-il dit en demandant justice pour les victimes.

Justice que lui ont promise le président américain et son secrétaire à la Défense.

«Je suis profondément attristé par les informations qui font état de la mort de civils afghans», a déclaré Barack Obama dans un communiqué, en présentant ses «condoléances aux familles et aux êtres chers de ceux qui ont perdu la vie et au peuple d'Afghanistan qui a enduré trop de souffrance et de violence».

Rendre des comptes

«Cet événement est tragique et consternant et n'est en rien représentatif du caractère exceptionnel de nos troupes, ni du respect que les États-Unis portent au peuple afghan», a ajouté le chef de la Maison-Blanche en apportant son soutien à une enquête pour «établir les faits aussi vite que possible afin de faire rendre des comptes aux responsables».

Le chef du Pentagone, Leon Panetta, a fait savoir de son côté qu'il avait assuré le président Karzaï que les responsables du massacre seraient traduits en justice.

«Nous ne ferons l'économie d'aucun effort pour établir les faits aussi vite que possible, et nous ferons en sorte que toute personne responsable de cette violence soit pleinement poursuivie dans le cadre de la loi», a-t-il dit dans un communiqué.

Le massacre s'est produit dans le district de Panjwayi, à environ 35 km à l'ouest de la ville de Kandahar. Selon des témoins cités par des agences de presse, 11 des victimes ont été tuées dans la même maison.

Quatre autres personnes ont été abattues dans une autre maison, située dans un second village, et une autre dépouille a été découverte dans une troisième maison.

Au moins cinq personnes ont également été blessées.

Des doutes

Des Afghans ont mis en doute la version de responsables afghans et américains selon laquelle un seul soldat a commis le massacre. D'autres ont dit avoir vu un groupe de militaires américains arriver dans leur village vers 2 h du matin. Certains ont même dit que les soldats étaient ivres.

Mais d'autres Afghans ont affirmé n'avoir vu qu'un soldat, selon un compte rendu publié sur le site du New York Times.

«Je ne peux pas expliquer les motivations derrière ces actions insensées, mais ce n'était en aucun cas autorisé par l'ISAF», a déclaré le général Adrian Bradwshaw, commandant adjoint de la forcée armée de l'OTAN en Afghanistan.

L'armée américaine n'a pas dévoilé le nom du suspect, se contentant de donner son rang. Des médias américains ont cependant précisé qu'il s'agit d'un militaire de 38 ans, père de trois enfants, qui avait été déployé trois fois en Irak avant de servir en Afghanistan. Sa brigade est normalement stationnée sur la base de Fort Lewis, dans l'État de Washington.

Le massacre survient au moment où l'impopularité de l'intervention en Afghanistan est à son comble aux États-Unis. Pas moins de 60% des Américains estiment désormais que cette guerre n'en valait pas la peine, selon un nouveau sondage ABC News-Washington Post.

L'administration Obama a déjà annoncé son intention de mettre un terme à la mission de combat américaine en Afghanistan en 2014.