Un attentat attribué à Al-Qaïda a visé samedi un palais présidentiel dans le sud du Yémen, le jour même de la prestation de serment du nouveau président yéménite Abd Rabbo Mansour Hadi.

Peu après la cérémonie, au cours de laquelle M. Hadi s'est engagé à continuer à combattre Al-Qaïda, un kamikaze a fait exploser une voiture piégée devant un symbole du pouvoir: le palais présidentiel de Moukalla, dans le Sud-est, tuant 26 soldats de la Garde républicaine, selon une source médicale.

Des partisans d'Al-Qaïda ont mis à profit l'affaiblissement du pouvoir central au Yémen au cours de dix mois de contestation ayant conduit Ali Abdallah Saleh à céder sa place, pour étendre leur influence dans le Sud et l'Est du Yémen. L'organisation y contrôle des villages et la ville de Zinjibar, capitale de la province d'Abyane.

Une voiture piégée conduite par un kamikaze a explosé à l'entrée du palais présidentiel de Moukalla, selon une source militaire.

«Six soldats ont succombé à leurs blessures», a indiqué un médecin de l'hôpital Ibn Sina, après avoir indiqué que les «corps de vingt soldats ont été déposés à la morgue et qu'il y a de nombreux blessés».

Une autre source militaire a affirmé que l'attentat «porte l'empreinte d'Al-Qaïda», ajoutant que le kamikaze pourrait être Mohammed al-Sayari, un Saoudien originaire de la province du Hadramout, dont Moukalla est la capitale.

Selon cette source, aucune personnalité ne se trouvait dans le palais au moment de l'explosion, qui a été suivie par des échanges de tirs entre hommes armés et soldats. Le kamikaze au volant du pick-up a péri, selon la même source.

Le palais présidentiel de Moukalla est gardé par des éléments de la Garde républicaine, un corps d'élite de l'armée yéménite, commandé par Ahmed Ali Abdallah Saleh, le fils du président sortant.

En prêtant serment, M. Hadi s'est engagé à «préserver l'unité du pays, son indépendance et son intégrité territoriale» et de continuer à combattre Al-Qaïda.

Unique candidat lors de la présidentielle de mardi, l'ancien vice-président a été élu avec plus de 99% des voix. Il remplace M. Saleh, qui a quitté le pouvoir sous la pression de la rue après 33 ans à la tête du pays, dans le cadre d'un accord politique élaboré par les monarchies arabes du Golfe.

M. Hadi s'est adressé, après avoir prêté serment, aux Yéménites en promettant d'ouvrir un dialogue avec toutes les forces politiques, de rétablir la sécurité «sans laquelle tout développement économique serait impossible» et de «poursuivre le combat contre Al-Qaïda».

«La poursuite de la lutte contre Al-Qaïda est un devoir patriotique et religieux», a-t-il assuré à propos de cette organisation.

«La seule alternative possible à la sécurité est le chaos», a-t-il averti, quelques heures avant l'attentat de Moukalla.

Dans un communiqué, le président américain Barack Obama s'est réjoui de l'arrivée au pouvoir de M. Hadi.

«Aujourd'hui j'ai appelé le président Abd Rabbo Mansour Hadi pour le féliciter ainsi que le peuple yéménite au moment où ils procèdent à un transfert de pouvoir historique et pacifique», a déclaré Barack Obama.

«Le peuple yéménite a réussi à donner un nouveau départ au pays, mais beaucoup de travail reste encore à accomplir» en termes de sécurité et de transition démocratique, a-t-il ajouté en assurant que «les États-Unis se tiendront aux côtés du peuple du Yémen dans la poursuite de ses efforts pour mettre en place un avenir meilleur pour le pays».

Par ailleurs à Aden, capitale du Sud, deux soldats ont été tués et deux civils blessés lors du démantèlement d'un camp de toile de protestataires sudistes qui revendiquent l'autonomie, voire l'indépendance du Sud Yémen, qui était séparé du Nord jusqu'en 1990.

Selon un responsable militaire, 17 militants du Mouvement sudiste, un groupe séparatiste, ont été arrêtés.

M. Hadi, estimant bénéficier de la légitimité des urnes, a invité ses concitoyens à «ouvrir un nouveau chapitre pour construire un Yémen qui intègre tous ses citoyens».

Elu pour un mandat intérimaire de deux ans, le nouveau président doit être investi dans ses nouvelles fonctions lundi au palais présidentiel. Il se ferait alors officiellement remettre le pouvoir par M. Saleh.

Ce dernier a regagné Sanaa tôt samedi, en provenance des États-Unis où il a effectué un séjour médical. Il s'est installé dans sa résidence privée et non dans le palais présidentiel, selon des sources politiques.

Dans une déclaration à son retour, M. Saleh a invité les Yéménites à apporter leur soutien au nouveau pouvoir pour «reconstruire le pays» et «venir à bout des conséquences de la crise qui l'a secoué pendant un an».

Le statut de M. Saleh pendant la période intérimaire qui s'ouvre suscite des interrogations, d'autant plus que ses proches continuent de diriger d'importants services de sécurité, notamment la Garde républicaine, corps d'élite de l'armée, qui est sous le commandement de son fils Ahmed.

M. Saleh reste «président du Congrès populaire général (CPG), qui est le plus grand parti politique du pays», avait indiqué mercredi l'un de ses proches, le vice-ministre de l'Information, Abdo Janadi.

«Rien dans l'initiative des pays du Golfe ne l'empêche de présenter sa candidature (à l'élection présidentielle) dans deux ans, même s'il dit qu'il a fait ses adieux au pouvoir», avait-il indiqué.

Une source diplomatique a estimé difficile pour M. Saleh de rester à l'écart du jeu politique. «Il va changer tout simplement de costume», a-t-elle estimé.