Au moins deux conseillers militaires américains ont été tués samedi dans une fusillade au ministère de l'Intérieur à Kaboul, tandis que les émeutes secouant l'Afghanistan restent vives cinq jours après l'incinération de Corans dans une base militaire américaine.

Cinq personnes sont mortes samedi et 66 ont été blessées, dont 11 policiers, lors de l'attaque, avortée, d'un complexe de l'ONU dans la province de Kunduz (nord), alors que quinze autres manifestants ont été blessés lors d'émeutes à Mihtarlam, la capitale du Laghman (est).

À Kaboul, deux «conseillers américains» ont été retrouvés «tués par balle», «dans leur bureau» du ministère de l'Intérieur, «par terre (...) par d'autres collègues internationaux», a déclaré Sediq Sediqqi, le porte-parole du ministère de l'Intérieur, à la chaîne d'information afghane Tolo news.

Les deux victimes appartiennent à l'Isaf, la force de l'OTAN en Afghanistan, selon qui «un individu» a «retourné son arme» contre ses «membres».

À la suite de cette attaque, le général John Allen, qui dirige l'ISAF, a décidé samedi de «rappeler tout le personnel» de la force armée de l'OTAN travaillant dans les ministère afghans.

Une décision qui peut avoir des conséquence très lourde sur la sécurité intérieure du pays après 2014, quand la coalition de l'OTAN aura quitté l'Afghanistan.

Les talibans ont revendiqué quant à eux l'assassinat de quatre conseillers au ministère de l'intérieur par «un héros», Abdul Rahman, qui a agi «en réaction au manque de respect des envahisseurs pour les objets sacrés de l'islam», surtout après «l'incinération de Corans dans la base de Bagram», au nord de Kaboul.

Le «moudjahid» (combattant) Abdul Rahman, «résiste encore» dans le ministère de l'Intérieur, d'après le communiqué des rebelles, qui ont appelé les musulmans afghans à «attaquer» et «tuer» les militaires américains, qualifiés d'«envahisseurs» .

«Nous enquêtons pour savoir qui est responsable de leur mort», a de son côté commenté Sediq Sediqqi.

«Il est encore bien trop tôt pour établir un lien» entre la mort des deux officiers de l'OTAN et l'incinération des Corans», a estimé le brigadier-général Carsten Jacobson, porte-parole de l'ISAF, interrogé par la BBC.

Dans la nuit de lundi à mardi, des exemplaires du Coran, confisqués à des détenus de la prison de la base américaine de Bagram, ont été incinérés parce que, selon des responsables à Washington, ils servaient à faire passer des messages entre prisonniers.

Le responsable étant «un responsable américain», des émeutes anti-américaines agitent depuis cinq jours le pays, qui ont fait pour l'instant 29 morts et plus d'une centaine de blessés, selon un décompte de l'AFP.

Samedi à Kunduz, des milliers de manifestants ont tenté de marcher sur un complexe de l'ONU. Les policiers, qui au départ tiraient en l'air pour les effrayer, a dû viser les manifestants afin de les arrêter, a constaté un correspondant de l'AFP.

La mission de l'ONU en Afghanistan (UNAMA), dans un communiqué, a «déploré» l'attaque contre son complexe, tout en «remerciant» les forces de sécurité afghanes, «et particulièrement la police», «pour sa réponse rapide».

L'UNAMA regrette «les victimes» policières tout comme les pertes infligées aux manifestants, même si celles-ci ont été le fruit de «la légitime défense». «Tout le personnel de l'ONU est sain et sauf», selon la même source.

À Mihtarlam, quinze manifestants ont été blessés par balle et emmenés à l'hôpital public de la ville, ont indiqué des cadres de cet établissement à l'AFP. La manifestation s'est depuis achevée, a indiqué une source policière.

Des rassemblements, relativement pacifiques, de plusieurs centaines de personnes, se sont aussi tenus dans les provinces de Logar, Kunar et Nangarhar (est), Sari Pul (nord), Parwan (centre) Kapisa et Nouristan (nord-est), a déclaré Sediq Sediqqi, le porte-parole du ministère de l'Intérieur.

Les «excuses les plus sincères» du président américain Barack Obama au peuple afghan et les appels à la «retenue» lancés par des personnalités religieuses ayant enquêté sur les Corans brûlés et l'Isaf, la force de l'Otan en Afghanistan, n'ont visiblement pas été entendus.

Le sentiment antiaméricain n'a jamais été aussi fort dans la population en 10 ans de conflit, au diapason des bavures de l'Otan qui tuent relativement fréquemment des civils et de diverses affaires récentes de profanations ou autres actes jugés blasphématoires à l'égard de l'islam.