Les Yéménites votaient mardi en nombre pour une présidentielle marquant l'aboutissement de leur soulèvement populaire, sauf dans le Sud, où des violences ont fait quatre morts, notamment à Aden où la moitié des bureaux de vote ont été fermés suite à des attaques de séparatistes.

Dans les enclaves du Nord contrôlées par la rébellion zaïdite -une branche du chiisme- qui a appelé au boycottage, un seul bureau de vote était ouvert, selon des responsables locaux.

Avant même l'ouverture des bureaux de vote à Sanaa à 8h locales (minuit, heure de Montréal), des files séparées d'électeurs, hommes et femmes, se sont formées, même si le scrutin est purement symbolique puisque le vice-président Abd Rabbo Mansour Hadi est l'unique candidat.

«Ce jour marque la chute véritable d'Ali Abdallah Saleh» qui a gouverné le Yémen pendant 33 ans, a estimé Abdallah Ahmad Ali, 25 ans.

«C'est une victoire pour les jeunes Yéménites», a ajouté cet étudiant alors que les électeurs se bousculaient devant le bureau de vote proche de l'Université de Sanaa, à proximité du campement installé depuis un an par les contestataires réclamant le départ de M. Saleh.

«Nous avons été surpris par la grande affluence des femmes», a affirmé à l'AFP la directrice du bureau de vote réservé aux femmes, Abir al-Afifi.

En votant dans ce même bureau, Tawakkol Karman, prix Nobel de la Paix, a qualifié cette journée d'élection de «jour de fête pour les Yéménites car c'est celui du départ de Saleh et de la fin du despotisme et de l'oppression».

Le futur président a pour sa part affirmé que son élection ouvrait «un nouveau chapitre» pour le pays. M. Hadi a voté sous les applaudissements à Sanaa, au milieu d'un important dispositif de sécurité de crainte d'un attentat, selon son entourage.

L'affluence était également forte dans d'autres villes, notamment à Taëz, au sud-est de Sanaa, qui a été en pointe du mouvement de contestation contre M. Saleh.

Plus de 12 millions d'électeurs étaient appelés aux urnes pour ce scrutin rendu possible par un accord permettant à M. Saleh de quitter le pouvoir en échange d'une immunité pour lui et pour les siens. Cet accord fait du Yémen le premier pays du Printemps arabe où un soulèvement aboutit à une solution négociée.

Vote perturbé à Aden

À Aden, grande ville du Sud, «la moitié des bureaux de vote (soit 10 bureaux) ont été fermés après avoir été envahis par des hommes armés du Mouvement sudiste», a déclaré à l'AFP un responsable gouvernemental.

Le Mouvement sudiste qui réclame l'autonomie a appelé au boycottage du scrutin et son aile dure, qui souhaite que le Yémen du Sud redevienne le pays indépendant qu'il était avant sa fusion avec le Nord en 1990, a proclamé mardi journée de «désobéissance civile» -mais ses chefs affirment ne pas recourir à la violence.

Toujours à Aden, un enfant de 10 ans et un policier ont été tués lors d'échanges de tirs entre forces de l'ordre et séparatistes qui ont attaqué des bureaux de vote, incendiant des urnes et des bulletins de vote.

Des militants du Mouvement sudiste ont également bloqué des rues à l'aide de pierres et de pneus enflammés, pour empêcher l'accès aux bureaux de vote alors que des tirs nourris résonnaient dans la ville.

À Moukalla, capitale du Hadramout (sud-est), un soldat a été tué dans une attaque contre un bureau de vote alors qu'à Lahaj (sud) un manifestant a été tué lors d'échanges de tirs entre séparatistes et soldats.

Les habitants des localités contrôlées par des éléments présumés d'Al-Qaïda, comme Zinjibar, capitale de la province d'Abyane, n'ont pas participé aux opérations de vote en raison de la faible présence des forces de sécurité, selon des sources locales.

Dans les régions du Nord contrôlées par la rébellion zaïdite, un seul bureau de vote a été ouvert dans la ville de Saada, selon des responsables locaux.

Ce bureau a connu une certaine affluence, notamment de la part des sympathisants des partis de l'opposition parlementaire, ont précisé ces responsables, alors que les bureaux du reste de la province de Saada et d'autres régions du Nord tenues par les rebelles demeuraient fermés.