L'annonce par le gouvernement afghan de l'ouverture d'un deuxième front de négociation de paix avec les talibans en Arabie saoudite, après l'option du Qatar soutenue par les États-Unis, vient compliquer un processus de paix déjà très épineux.

Un diplomate afghan à Ryad a affirmé lundi à l'AFP que «deux délégations, l'une du gouvernement et l'autre des talibans, vont mener des négociations en Arabie saoudite», sans préciser de calendrier pour ces pourparlers.

Les talibans, chassés du pouvoir à la fin 2001 par une coalition menée par les États-Unis, poursuivent depuis dix ans une guérilla contre le gouvernement de Kaboul et ses alliés de l'Otan toujours déployés dans le pays.

Début janvier, les rebelles ont fait un premier pas vers un éventuel processus de paix en se disant prêts à ouvrir un bureau au Qatar pour discuter avec les États-Unis. Sans mentionner le gouvernement afghan qu'ils considèrent comme une «marionnette» des Américains et ne reconnaissent pas.

Kaboul n'a de son côté jamais fait mystère de ses réticences envers l'option qatarie. «Nous avons toujours préféré l'Arabie saoudite au Qatar», a souligné lundi soir Akim Hasher, un porte-parole du gouvernement afghan, en précisant toutefois qu'aucune mesure concrète n'avait encore été prise pour y entamer des discussions.

Il n'est «pas surprenant que Kaboul ressente le besoin d'affirmer sa souveraineté en faisant appel à d'autres» pays comme l'Arabie Saoudite «qui pourraient contribuer à ce processus de discussions avec les talibans», observe Candace Rondeaux, de l'International Crisis Group.

Mais «cela ne présage rien de bon si le gouvernement afghan se sent à ce point isolé», poursuit cette analyste basée à Kaboul.

D'après un membre de la choura de Quetta, le conseil dirigeant des talibans, que l'ont dit en partie établi dans cette ville du sud-ouest du Pakistan, le choix de l'Arabie saoudite est aussi poussé par les autorités pakistanaises.

Selon lui, les gouvernements afghan et pakistanais poussent à l'ouverture d'un deuxième front de négociations à Ryad parce qu'ils «pensent avoir été écartés» des discussions et «veulent pouvoir les contrôler en partie».

«On pourrait penser qu'il est bon d'avoir tout le monde qui se parle. Mais je pense qu'il y a un grand danger de confusion», avertit Kate Clark, du Réseau des analystes afghans.

«Quand on pense que tous ces différents acteurs essaient d'ouvrir des discussions avec les talibans... Cela pourrait ressembler à un stratagème délibéré pour les talibans, à une tentative pour les diviser afin de les dominer ou d'en tirer quelque avantage», ajoute-t-elle.

«Le Pakistan essaie de diviser les talibans en deux parties, dont une est impliquée au Qatar sans le Pakistan et l'autre, composée de talibans pro-pakistanais qui pensent qu'ils ont été laissés de côté et qui veulent un autre bureau en Arabie saoudite», a confirmé dimanche la source talibane.

Une partie des rebelles, ne se reconnaissant pas dans ces tractations avec les États-Unis, serait ainsi disposée à suivre le Pakistan et l'Afghanistan dans ces discussions parallèles.

Une multiplicité d'acteurs (Kaboul, Islamabad, Washington et ses alliés de l'Otan, les talibans «officiels», les autres talibans) se retrouveraient ainsi à négocier la paix afghane en deux endroits différents.

Pour compliquer la donne, un membre du ministère des Affaires étrangères pakistanais a expliqué à l'AFP, sous couvert d'anonymat, que «les discussions avec les talibans en Arabie saoudite n'étaient qu'une des nombreuses propositions étudiées par les autorités pakistanaises», qui «attendent les conclusions des discussions au Qatar».

Tout reste à faire dans ces négociations, les deux belligérants les plus actifs, Washington et les talibans, affichant pour l'heure des positions incompatibles pour permettre un cessez-le-feu.

Cet épineux dossier sera au menu des discussions prévues mercredi à Kaboul entre la ministre pakistanaise des Affaires étrangères Hina Rabbani Khar et son homologue afghan Zalmai Rasoul.