Le président afghan Hamid Karzaï a approuvé mercredi le principe de négociations bilatérales entre les rebelles talibans et les États-Unis pour permettre de créer un bureau de représentation taliban au Qatar, dans un communiqué diffusé par ses services.

Les talibans s'étaient dit la veille «prêts» à avoir un bureau politique hors d'Afghanistan pour des négociations de paix, un premier pas historique de leur part dans cette direction après dix ans de conflit avec le gouvernement de Kaboul et ses alliés de l'OTAN, emmenés par les États-Unis.

Un premier pas positif sur la voie d'un règlement du conflit en Afghanistan, selon les analystes, même si tout reste à faire pour concilier leurs positions et celle des Américains.

Les rebelles afghans ont annoncé mardi avoir trouvé un accord initial sur l'établissement d'un bureau de représentation à l'étranger avec plusieurs interlocuteurs -dont le Qatar- afin de participer à «des négociations».

Or ils avaient toujours refusé jusque-là de discuter avec le gouvernement afghan et ses alliés occidentaux tant que l'ensemble des soldats occidentaux, qui les ont chassés du pouvoir en 2001, n'aurait pas quitté l'Afghanistan.

Ils exigent toutefois en échange la libération de leurs prisonniers détenus sur la base américaine de Guantanamo, à Cuba.

«Jusqu'à hier, les talibans ne parlaient même pas de discussions. Mais maintenant ils disent qu'ils sont prêts à ouvrir un bureau au Qatar. C'est assurément un pas positif vers la paix», juge mercredi Giran Hiwad, du Réseau des analyses sur l'Afghanistan (AAN), un centre de recherches installé à Kaboul.

Le communiqué des talibans n'indique pas explicitement où leur bureau pourrait être installé. Si la Turquie ou l'Arabie Saoudite ont un temps été évoquées, le Qatar est cité dans le texte. Sa capitale Doha, mentionnée avec insistance à ce sujet récemment, part donc favorite.

«Cela montre que les talibans sont sous pression. À présent, ils veulent négocier», estime Haroun Mir, du Centre de recherche et d'études politiques à Kaboul.

Leur montée en puissance dans le pays semble pourtant incontestable, face à une force de l'OTAN (ISAF) qui paraît incapable de les vaincre définitivement malgré ses 130 000 soldats, d'autant plus qu'elle prévoit d'avoir retiré toutes ses troupes de combats du pays à la fin 2014.

Quelque 566 soldats de l'ISAF sont encore morts en 2011, pour un total de 2847 depuis le début du conflit. Et les attaques à l'explosif qui tuent surtout des civils, sont de plus en plus fréquentes (+7% entre janvier et novembre 2011 par rapport à 2010, selon l'ISAF).

Les talibans veulent «négocier directement avec les États-Unis dans le but de contourner le gouvernement» afghan, estime M. Mir. Leur communiqué mardi ne faisait effectivement aucune référence aux autorités afghanes. «Finalement, ils ont réussi à convaincre les Américains. C'est une grande réussite pour les talibans et un recul pour le gouvernement de Kaboul», selon lui.

De fait, le président Hamid Karzaï, qui s'était déclaré à plusieurs reprises opposé à l'ouverture d'un bureau de représentation taliban hors de son pays, a fini par l'accepter. «Ils n'ont pas inclus le gouvernement afghan parce que celui-ci ne peut satisfaire leur demande de libération des prisonniers de Guantanamo», assure Waheed Mujda, ancien fonctionnaire sous le gouvernement taliban (1996-2001) devenu analyste politique.

«Il ne s'agit pas de pourparlers de paix», souligne-t-il, car «on ne parle que des prisonniers talibans enfermés à Guantanamo». Mais l'ouverture d'un bureau taliban hors d'Afghanistan «donne aux Américains une adresse pour de possibles discussions futures» avec les rebelles, estime-t-il.

Washington a réagi à l'annonce des insurgés comme à «n'importe quelle avancée sur le chemin d'un processus de réconciliation mené par les Afghans».

Mais les Américains sont restés fermes sur les préalables aux négociations qu'ils martèlent depuis des années en répétant que les talibans devaient d'abord rompre tout lien avec Al-Qaïda, abandonner la violence et accepter la constitution afghane.

Mardi, en même temps que les talibans déclaraient envisager des négociations, ils revendiquaient un attentat-suicide qui a tué cinq personnes, dont quatre enfants, dans leur ancien fief de Kandahar (sud), signe qu'ils ne sont guère prêts à ce stade à abandonner la lutte armée. Dans la même journée, un deuxième attentat-suicide faisait dix autres victimes dans la même ville.