Des fillettes terrorisées à l'idée de marcher jusqu'à l'école. Des hommes qui les insultent et crachent dans leur direction. À Beit Shemesh, à l'ouest de Jérusalem, des milliers de personnes ont exprimé leur ras-le-bol devant les abus d'extrémistes ultraorthodoxes, mardi.

Des milliers de personnes ont manifesté hier contre la discrimination faite aux femmes et aux filles par des extrémistes religieux en Israël. Le rassemblement a eu lieu à Beit Shemesh, une ville située à une trentaine de kilomètres à l'ouest de Jérusalem, devenue depuis quelques mois le symbole de cette lutte, mais aussi des frictions entre diverses communautés juives pratiquantes.

Le témoignage d'une fillette de 8 ans, diffusé à la télévision israélienne vendredi, a ému tout le pays. Des larmes dans la voix, Naama Margolis refuse de marcher sur le trottoir près de son école, malgré les encouragements de sa mère. Celle-ci raconte à la caméra les crachats et la pluie d'insultes lancés par des hommes ultraorthodoxes des environs - «salope», «putain», «bâtards». Le trajet de 300 mètres qui sépare la maison de l'école terrifie la petite fille.

Les tensions sont vives à Beit Shemesh depuis le début de l'année scolaire, en septembre. Une école pour filles, de courant sioniste religieux, a été ouverte à proximité d'un quartier ultraorthodoxe. Depuis, les accrochages sont nombreux.

La famille de Naama Margolis appartient au mouvement sioniste religieux. Femmes et filles portent des jupes qui tombent sous les genoux et des chandails avec des manches dépassant les coudes. Les femmes mariées se couvrent la tête d'un foulard ou d'un chapeau. Mais pour des extrémistes d'une communauté ultraorthodoxe voisine, les petites et leurs mères ne sont pas suffisamment «décentes».

«C'est difficile de comprendre. Leur concept de la réalité n'est pas le même que le nôtre, dit Tzippy, une mère de six filles de Beit Shemesh, appartenant elle aussi au courant sioniste religieux. Il y a des jours où je peux les entendre hurler de ma maison, en disant des mots offensants. Comment est-ce qu'on peut crier des noms pareils à de petites filles innocentes? Elles ne comprennent pas ce qu'ils disent, mais ça leur fait peur.»

Durant la manifestation, des députées et des militants ont pris la parole. Des pancartes sur lesquelles on pouvait lire «Nous ne deviendrons pas un autre Téhéran» étaient visibles dans la foule.

Le rassemblement s'est déroulé sous l'oeil attentif des policiers. Des membres de la communauté ultraorthodoxe voisine auraient promis des actes violents si les organisateurs tenaient la manifestation dans la cour de l'école de filles. Finalement, les gens se sont réunis à plusieurs centaines de mètres de l'établissement.

Accrochages

Au cours des derniers jours, des affrontements ont éclaté avec des membres de la communauté ultraorthodoxe voisine. Deux équipes de télévision israélienne ont été attaquées par un groupe de centaines d'hommes dans le quartier. Des policiers venus retirer un écriteau prescrivant aux hommes et aux femmes d'utiliser des trottoirs séparés ont aussi été pris pour cible.

Plusieurs habitants de Beit Shemesh croient que la minorité ultraorthodoxe veut prendre du terrain dans la ville et imposer ses codes à tous. Mais plusieurs ont insisté pour dire qu'ils apprennent aux enfants à faire la distinction entre ces «fanatiques» et l'ensemble de la communauté.

En attendant, plusieurs fillettes rencontrées sur place ont exprimé leur désir de voir le calme revenir autour de leur école. «Je les entends crier des mauvais mots pendant que j'étudie. Ça me rend triste», a raconté Nava, une rouquine de 10 ans. «Ça ne me fait pas beaucoup peur, a-t-elle souligné en tordant sa longue tresse. Je marche toujours avec mes parents ou mon frère. Mais je voudrais qu'ils ne soient plus devant mon école. Je voudrais qu'ils aillent dans une autre ville.»