Les soldats américains ont symboliquement marqué jeudi à Bagdad, lors d'une cérémonie empreinte d'émotion, la fin de leur présence en Irak, pays qu'ils avaient envahi en 2003 sans l'accord des Nations Unies.

«C'est un évènement historique, car il y a huit ans, huit mois et 26 jours, comme commandant adjoint, j'ai donné l'ordre aux éléments avancés de la troisième division de traverser la frontière», a confié le général Lloyd Austin, qui commande les forces américaines dans ce pays et vient d'être nommé chef d'état-major adjoint.

Il venait de replier solennellement le drapeau des Forces américaines en Irak (USF-I), à quelques jours du départ des derniers soldats américains.

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La cérémonie a eu lieu à l'aéroport, lieu emblématique puisque que ce fut le premier lieu à être occupé par l'armée américaine lors de son entrée à Bagdad en mars 2003. L'invasion menée par les Américains, sans l'aval de l'ONU, devait aboutir à la chute de Saddam Hussein, 24 ans après son arrivée au pouvoir.

Si les orateurs ont rendu hommage à la bravoure des soldats américains, ils ont aussi exprimé l'espoir que les forces irakiennes, fortes de 900 000 hommes, puissent faire face aux dangers qui menacent encore le pays.

«Vous êtes venus en Mésopotamie, encore et encore, sans savoir si vous retourneriez auprès de vos êtres chers. Mais vous partez avec fierté, sachant que votre sacrifice a permis aux Irakiens d'éliminer la tyrannie et d'offrir la prospérité et la paix aux futures générations de ce pays», a déclaré le secrétaire à la Défense américain Leon Panetta.

«L'Irak va être confronté à des défis dans les prochains jours, lancés par les terroristes et par ceux qui vont essayer de diviser le pays, mais les États-Unis resteront aux côtés des Irakiens quand ils affronteront ces défis», a-t-il ajouté.

«Il est temps pour l'Irak de regarder vers l'avenir,» a ajouté M. Panetta en demandant aux Irakiens de ne pas oublier le sacrifice consenti par les soldats américains.

Par cette cérémonie, les États-Unis tournent la page d'un épisode historique mouvementé et sanglant, au cours duquel ils ont cru qu'en débarrassant l'Irak de Saddam Hussein et en autorisant son exécution, ils gagneraient automatiquement les coeurs et les esprits des Irakiens.

Mais ce scénario a dérapé rapidement en raison de leurs erreurs, notamment le démantèlement de l'armée et des services de renseignements ou l'épuration sans merci des anciens membres du Baas, le parti alors au pouvoir.

Ils ont ainsi laissé le champ libre à une insurrection très violente et n'ont pu empêcher une guerre confessionnelle meurtrière entre sunnites et chiites.

Les Américains ont reconstruit à zéro l'armée, la police, les institutions et relancé une économie moribonde en favorisant la consommation grâce à des importations sans taxe douanière de voitures ou d'électroménager, alors que les services de base comme l'électricité et l'eau potable restaient aléatoires.

Mais à partir de 2007 et surtout 2008, les États-Unis ont réussi à changer le cours d'une guerre qu'ils étaient en train de perdre, en envoyant 170 000 soldats sur le terrain pour paralyser l'action des insurgés.

Il leur a aussi fallu favoriser le retournement de chefs tribaux sunnites exaspérés par les exactions des combattants d'Al-Qaïda, initialement accueillis comme des protecteurs face aux chiites qui s'emparaient du pouvoir.

«C'est une réussite extraordinaire, qui a pris neuf ans», a affirmé le président américain Barack Obama, en reconnaissant «le dur travail et le sacrifice» qui ont été nécessaires.

«Nous ne connaissons que trop bien le prix élevé de cette guerre. Plus de 1,5 million d'Américains ont servi en Irak. Plus de 30 000 Américains ont été blessés, et ce sont seulement les blessés dont les blessures sont visibles», a-t-il ajouté, en allusion aux séquelles psychologiques dont souffrent certains anciens combattants.

Les derniers soldats américains, qui font route vers le Koweït, laissent le pays aux forces de sécurité irakiennes, reconnues comme aptes à faire face aux menaces intérieures, mais incapables pour le moment d'assurer la sécurité des frontières et protéger l'espace aérien et les eaux territoriales de l'Irak.