Le prince héritier saoudien, Sultan ben Abdel Aziz, qui suivait des traitements médicaux aux États-Unis, est décédé, a annoncé samedi le palais royal saoudien, cité par la télévision.

Auparavant, la chaîne américaine CNN avait donné cette même information en citant des sources anonymes au sein du Département d'État.

Le prince Sultan, octogénaire, «est décédé des suites d'une maladie samedi à l'aube à l'étranger», a annoncé le communiqué du palais royal, indiquant que les obsèques se dérouleraient mardi à Riyad.

Son décès intervient alors que le roi Abdallah, âgé de 87 ans, se trouve toujours à l'hôpital après avoir subi cette semaine une nouvelle opération au dos dans un hôpital de Riyad.

Le prince héritier, également ministre de la Défense, se trouvait depuis le mois de juin aux États-Unis pour des soins médicaux. Il a subi en juillet une intervention chirurgicale et aucune nouvelle n'a filtré depuis sur son état de santé.

Né en 1928 selon sa biographie officielle, demi-frère du roi Abdallah, le prince Sultan, dont la santé était chancelante, s'était à plusieurs reprises longuement absenté du pays ces dernières années.

Le prince Nayef, le nouvel héritier?

Avec le décès du prince héritier, le prince Nayef, 78 ans, ministre de l'Intérieur et demi-frère du roi, est désormais en deuxième position dans l'ordre de succession, après sa nomination en mars 2009 au poste de deuxième vice-premier ministre. Le choix d'un nouvel héritier du trône saoudien, le prince Nayef Ben Abdel Aziz en toute logique, ne saurait tarder dans un royaume soucieux de donner une image de stabilité dans un environnement tourmenté, estiment des analystes.

«Il y a un seul candidat qui a toutes les chances de devenir prince héritier et il s'agit du prince Nayef», le ministre de l'Intérieur et demi-frère du roi Abdallah, a déclaré à l'AFP Abdel Aziz Al-Sager, directeur du centre de recherches du Golfe.

«C'est la première fois dans l'histoire de l'Arabie saoudite que le prince héritier disparaît et il revient au roi d'en désigner ou d'en proposer un nouveau», a souligné M. Sager.

Le prince Nayef, 78 ans, qui se plaisait à dire qu'il était un soldat au service du pays, peut se prévaloir d'une longue expérience, en particulier à la tête du puissant ministère de l'Intérieur.

Considéré comme un conservateur, c'est lui qui a supervisé la lutte contre les membres du réseau d'Al-Qaïda qui ont ensanglanté le royaume dans une série d'attentats entre 2003 et 2006.

Plus récemment, il a mobilisé ses services pour empêcher que le royaume ne soit touché par le «Printemps arabe», et a publiquement remercié les Saoudiens pour n'avoir pas répondu aux appels à manifester.

Selon M. Sager, le choix d'un nouveau prince héritier devrait intervenir très prochainement, «peut-être avant même le rapatriement de la dépouille du prince Sultan».

«L'environnement régional et international nécessite d'avaliser vite la décision du roi», a expliqué cet analyste, en référence tout particulièrement aux troubles au Yémen voisin, un souci majeur pour les dirigeants saoudiens.

La situation en Syrie et les rapports difficiles avec l'Iran, accusé d'avoir tenté d'assassiner l'ambassadeur saoudien à Washington, sont d'autres sujets d'inquiétude pour ces dirigeants à la tête d'une puissance pétrolière de premier plan.

Traditionnellement, les successions à la tête du royaume se sont toujours déroulées sans conflit apparent entre les membres de la famille royale. Depuis la mort en 1953 du roi Abdel Aziz, fondateur en 1932 du royaume saoudien, cinq de ses fils se sont succédé sur le trône.

La transition s'est toujours passée en douceur, sauf en 1964, lorsque le roi Saoud a été forcé d'abdiquer au profit de son frère et prince héritier, Fayçal.

Pour Khaled Dakhil, professeur de sociologie politique, «le plus en vue pour devenir héritier du trône est le prince Nayef». «Sa désignation au poste de deuxième vice-président du Conseil des ministres est une forte indication sur le fait qu'il sera fait prince héritier».

«Ce choix ne saurait tarder, s'il n'a pas été déjà fait, puisque les membres de la famille royale savaient que la santé du prince Sultan était très mauvaise», souligne-t-il.

Pour la première fois dans l'histoire du royaume, ce choix doit en principe être entériné par un conseil restreint des Al-Saoud, créé à la suite d'une réforme des modalités de succession en 2006 pour assurer des transitions du pouvoir en douceur dans cette monarchie ultraconservatrice du Golfe.

Selon Anwar Echkhi, directeur du centre du Moyen-Orient pour les recherches stratégiques, basé à Jeddah (ouest), cette instance va se prononcer sur le choix du prince héritier en tenant compte de l'expérience, alors que dans le passé le principal critère était celui de l'âge.

Le roi Abdallah a pour sa part subi avec succès, selon les médias officiels saoudiens, une opération au dos lundi dernier dans un hôpital de Riyad.

La télévision officielle l'avait montré mercredi soir sur son lit d'hôpital, recevant des dignitaires royaux et discutant avec eux.

L'opération était destinée à corriger un relâchement du ligament stabilisateur autour de la troisième vertèbre.

Le roi a été opéré en novembre 2010 à New York d'une hernie discale, compliquée d'un hématome. Il a subi une deuxième opération début décembre, avant de passer une période de convalescence au Maroc à partir du 22 janvier 2011.

Le 23 février, il avait regagné son pays après trois mois d'absence pour reprendre la gestion des affaires du royaume.

L'âge du roi Abdallah et son hospitalisation à l'étranger avaient alimenté les rumeurs sur l'avenir de la direction du royaume, un acteur-clé dans la politique au Moyen-Orient et premier exportateur mondial de pétrole.

La communauté internationale salue la mémoire de l'héritier

De nombreux dirigeants dans le monde ont salué la mémoire de l'héritier du trône saoudien, le prince Sultan ben Abdel Aziz, décédé samedi, les États-Unis et la Grande-Bretagne notamment déplorant la perte de celui qui fut aussi ministre de la Défense de son pays.

Pour le président américain Barack Obama, les États-Unis ont perdu un «ami précieux». Le prince héritier avait «fermement soutenu le partenariat profond et durable» entre l'Arabie saoudite et les États-Unis, a souligné Barack Obama.

La secrétaire d'État américaine, Hillary Clinton, a affirmé que le prince héritier serait «regretté». «Notre relation avec l'Arabie saoudite est forte et durable, et nous comptons continuer à travailler avec la direction (saoudienne) pour de nombreuses années à venir», a-t-elle souligné.

Les deux responsables américains ont présenté leurs condoléances au roi Abdallah et au peuple d'Arabie saoudite.

La chef de la diplomatie de l'UE, Catherine Ashton, a exprimé sa «grande tristesse», estimant qu'il s'agissait d'une «grande perte» pour le royaume saoudien.

Le premier ministre britannique David Cameron s'est lui aussi dit «attristé», en présentant ses condoléances au roi Abdallah et au peuple saoudien.

M. Cameron a rendu hommage à la «sagesse» et à «l'expertise» du prince héritier dans les affaires internationales», assurant que les liens entre les deux pays resteraient «forts».

Le prince Sultan, à la tête du ministère saoudien de la Défense et de l'Aviation depuis 1963, avait modernisé les forces saoudiennes et conclu d'importants contrats d'armement notamment avec la Grande-Bretagne et les États-Unis.

Le roi Abdallah II de Jordanie a demandé une minute de silence à la mémoire du prince héritier à l'ouverture du Forum économique mondial (WEF) qui réunit sur les bords de la Mer Morte plus de 1000 participants venant de 50 pays.

«La Jordanie est en deuil après la disparition de ce dirigeant arabe, champion de la cause arabe et musulmane, a-t-il déclaré.

Dans un message de condoléances au roi Abdallah, le président français Nicolas Sarkozy a estimé que le prince Sultan avait «joué un rôle crucial dans la modernisation de l'Arabie saoudite, notamment dans le domaine de la défense».

Soulignant que sa disparition était une «grande perte» pour l'Arabie saoudite, le président français a ajouté que la France perdait «un ami fidèle et sincère».

L'Iran, par la voix du ministre des Affaires étrangères Ali Akbar Salehi, a adressé ses condoléances à l'Arabie saoudite, au moment où les relations entre les deux pays sont particulièrement tendues.

Le président syrien Bachar al-Assad a adressé ses condoléances au roi Abdallah «au nom du peuple syrien».