Le président afghan Hamid Karzaï a admis vendredi que son gouvernement et de ses alliés de l'OTAN avaient «échoué» à apporter la sécurité aux Afghans, dans un entretien à la BBC diffusé dix ans jour pour jour après le début de l'intervention occidentale dans le pays.

«Nous avons été très mauvais pour ce qui est d'apporter la sécurité au peuple afghan, et c'est le travers le plus important de l'action de notre gouvernement et de nos partenaires internationaux», a déclaré M. Karzaï.

«Nous devons procurer aux citoyens afghans un meilleur environnement sécuritaire» car, sur ce point, «la communauté internationale et le gouvernement afghan ont sans aucun doute échoué», a-t-il ajouté.

M. Karzaï a répété qu'il était demandeur de négociations avec les rebelles talibans pour mettre fin au conflit, mais qu'il ne savait pas «à qui parler» ou «à quelle porte frapper» pour entamer des discussions.

Le chef suprême des talibans, le mollah Omar, est en fuite depuis dix ans, et on ne sait où il s'est replié avec ses lieutenants, même si Kaboul et nombre d'experts de la rébellion estiment qu'ils se cachent au Pakistan voisin.

«Le quartier général politique et opérationnel des talibans est installé au Pakistan. Nous le savons tous, les Pakistanais le savent», a souligné M. Karzaï en dénonçant le soutien apporté aux rebelles afghans dans ce pays.

«Nous ne disons pas cela pour accuser, mais pour qu'une solution soit trouvée à ce problème des sanctuaires» talibans qui «ne disparaîtront pas si le Pakistan ne coopère pas avec l'Afghanistan et si la communauté internationale ne fait pas en sorte de les éradiquer», a ajouté celui qui est à la tête du pays depuis la fin 2001 avec le soutien des Occidentaux.

L'Afghanistan a franchi vendredi le cap des dix ans d'intervention militaire depuis la chute des talibans, une décennie marquée par l'échec des Occidentaux à éradiquer l'insurrection dans un conflit qui a fait des dizaines de milliers de morts.

L'OTAN prévoit de retirer ses troupes de combat du pays d'ici la fin 2014, ouvrant la voie à un possible retour au pouvoir des talibans, dont la rébellion a gagné du terrain ces dernières années.

Le bourbier afghan

L'Afghanistan a franchi vendredi dans la retenue et la morosité le cap des dix ans depuis la chute des talibans.

Le 7 octobre 2001, moins d'un mois après les attentats du 11 septembre aux États-Unis, l'aviation américaine commençait à bombarder l'Afghanistan après le refus du régime taliban de livrer le chef d'Al-Qaïda Oussama ben Laden.

Quelques semaines suffirent à la coalition occidentale pour renverser les talibans. Mais les États-Unis, moteurs de la force de l'OTAN, détournèrent vite leur attention du pays pour se concentrer sur l'Irak, laissant avec le temps les talibans, réfugiés notamment au Pakistan voisin, se reconstituer.

Dix ans plus tard, cette guerre, déjà l'une des plus longues de l'histoire américaine, plus longue même que l'occupation soviétique des années 1980, a pris des allures de bourbier chaque année plus sanglant.

Et l'OTAN, qui prévoit de retirer ses troupes de combats du pays d'ici la fin 2014, cherche toujours une porte de sortie honorable à un conflit qui a, selon l'université américaine de Brown, fait près de 34 000 morts et dans lequel les seuls États-Unis ont englouti au moins 444 milliards de dollars.

Aucun évènement particulier n'était prévu vendredi pour marquer cet anniversaire. Les responsables afghans ont annoncé un renforcement des mesures de sécurité dans la capitale Kaboul, récemment ensanglantée par plusieurs attaques rebelles qui ont souligné la fragilité du gouvernement, porté à bout de bras par 140 000 soldats de l'OTAN.

Jeudi à Kaboul, quelque 200 manifestants ont réclamé le départ de l'OTAN et dénoncé les victimes civiles de ses opérations, qui alimentent la rancoeur de la population et nourrissent l'insurrection. «Mort à l'Amérique et à ses marionnettes» du gouvernement, ont-ils notamment crié.

À la veille de ce dixième anniversaire, jeudi, le général américain Stanley McChrystal, ancien commandant des forces internationales en Afghanistan, a estimé que l'OTAN y avait atteint «un peu plus que la moitié» de ses objectifs militaires», admettant que Washington et ses alliés avaient eu «une approche simpliste» de l'Afghanistan et de son histoire.

Les opérations militaires «ne soignent pas la maladie qui se cache sous l'insurrection», a prévenu un ancien ambassadeur britannique à Kaboul, Sherard Cowper-Coles, dans une tribune très critique sur la stratégie occidentale publiée dans le quotidien The Daily Telegraph.

Le retrait occidental de 2014 ouvre la possibilité d'un retour des talibans au pouvoir, une perspective inquiétante pour ceux des Afghans qui ont profité de cette décennie d'ouverture, principalement les habitants des villes.

«Les gens ont accès à tout ce qu'ils veulent, alors que ce n'était pas le cas sous les talibans», explique ainsi dans un bon anglais Hafizullah Ahmadi, un traducteur de 33 ans.

Mais la population, lassée des violences, réclame également et avant tout la paix, que peu imaginent possible sans un accord avec des talibans vus comme en position de force, ou sans retrait occidental.

«Nous serons contents quand les Américains partiront. Tout redeviendra alors normal», déclare à l'AFP Khan Agha, un vendeur de rue de 30 ans, ajoutant: «Sous les talibans, la vie était dure, mais au moins nous avions la sécurité».

En septembre, l'ancien président Burhanuddin Rabbani, chargé de négocier la paix avec les talibans, a été assassiné à Kaboul. Sa mort a éloigné un peu plus le pays des perspectives de paix à court terme déjà hypothétiques, les rebelles refusant jusqu'ici de négocier avec le gouvernement tant que tous les soldats étrangers n'auront pas quitté le sol afghan.