Dix ans après avoir été chassés du pouvoir par les Occidentaux, les talibans se sont renforcés et modernisés, notamment en matière d'organisation et de communication, gagnant du terrain au point que nombre d'observateurs les voient un jour revenir au pouvoir.

Rapidement chassés du pouvoir et donnés pour anéantis par la coalition militaire menée par les États-Unis à la fin 2001, les talibans se sont évanouis dans la population ou repliés à l'étranger, notamment au Pakistan voisin.

Ils ont réémergé à partir de 2004, d'abord dans leurs traditionnels bastions du sud et de l'est, avant de gagner du terrain, contrôlant ou influençant aujourd'hui près des deux tiers du pays, malgré l'augmentation régulière du contingent de l'OTAN, aujourd'hui fort de 140 000 hommes.

Les effectifs talibans, qui se comptent en dizaines de milliers, connaissent une rapide rotation, au rythme des combats et opérations ciblées souvent meurtrières de l'OTAN.

«J'avais dans mes rangs 10% d'anciens combattants (issus du régime taliban entre 1996 et 2001) et 90% de nouvelles recrues», explique à l'AFP le mollah Noor-Ul Aziz, qui était jusqu'à l'an dernier le «gouverneur fantôme» des rebelles dans la province de Kunduz (nord).

«Beaucoup de jeunes combattants ont rejoint les talibans à cause des exactions des forces étrangères, parce qu'elles ont tué beaucoup de civils innocents», explique cet homme, le plus haut responsable taliban à avoir fait défection pour rallier le camp du gouvernement et des Occidentaux.

Nombre de ces jeunes recrues sont des Afghans qui ont passé leur enfance dans les camps de réfugiés au Pakistan, où leurs familles avaient fui la sanglante guerre civile des années 1990. La plupart des dirigeants talibans vivraient aujourd'hui toujours dans ce pays, selon les experts du mouvement.

Si les jeunes combattants sont au moins aussi radicaux que leurs aînés, leur mouvement, lui, adopte une posture plus ouverte en matière de communication.

Alors que l'ancien régime taliban avait interdit la télévision, les dirigeants rebelles utilisent internet pour faire leur propagande, y postant notamment des vidéos d'attaques ou d'exécutions sanglantes pour séduire les jeunes, utilisant le réseau Twitter pour leur site internet «La Voix du djihad».

Sur le terrain, certains groupes sont aussi radicaux que leurs aînés, envoyant des lettres de menace pour dissuader les femmes de travailler ou attaquant les femmes politiques ou les filles allant à l'école.

Mais d'autres ont choisi une posture moins radicale, note l'analyste politique Ahmed Saeedi. «Ils sont généralement plus accommodants. Ils ne critiquent plus ceux qui ne portent pas la barbe et ne font plus attention aux vêtements», explique-t-il, sans écarter la possibilité que cela soit une tactique destinée à mieux s'attirer les faveurs de la population.

Sur le plan militaire, les Occidentaux soulignent que les rebelles évitent les combats frontaux et privilégient de plus en plus les attentats-suicide et assassinats ciblés de responsables liés au gouvernement, qui se sont multipliés ces derniers mois. «Ils s'en prennent à leur propre population», dénonce le porte-parole de la force de l'OTAN (ISAF), le général Carsten Jacobson.

Selon l'ONU, les talibans sont responsables de 80% des victimes civiles du conflit, un chiffre contesté par les insurgés.

Le président Hamid Karzaï a appelé en vain les talibans à négocier la paix ces dernières années. Mais ces derniers répètent qu'ils ne négocieront pas tant que l'ensemble des soldats étrangers n'aura pas quitté le pays.

Avec le retrait programmé des troupes de combat de l'OTAN d'ici la fin 2014, nombre d'observateurs estiment que les talibans reviendront au jour au pouvoir.

«Si les Américains quittent le pays, les talibans reprendront sans nul doute le pouvoir», estime ainsi l'analyste politique afghan Haroun Mir.

L'attitude des États-Unis sur la question reste cependant ambiguë, Washington négociant actuellement avec Kaboul un «partenariat stratégique à long terme» qui prévoit notamment le maintien d'un contingent américain en Afghanistan après 2014.