La Turquie pourrait associer l'Iran a une offensive terrestre contre les rebelles kurdes qui ont leurs bases arrière dans le nord de l'Irak, une opération techniquement difficile et au résultat incertain, estiment les experts.

Plus un jour ne passe depuis le début de l'été en Turquie sans une attaque du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) visant les forces de sécurité ou des civils.

Samedi, six soldats ont été tués dans une attaque à Siirt, dans le sud-est anatolien, théâtre d'action traditionnel du PKK.

Et les rebelles autonomistes kurdes n'épargnent pas les civils: la semaine dernière, trois passants ont été tués dans un attentat à la bombe au coeur d'Ankara, et quatre femmes kurdes ont été tuées par des tirs, dans le sud-est.

Pour les autorités turques, la multiplication des attaques du PKK est le signe que les frappes contre ses repaires dans le nord de l'Irak, menées quasi quotidiennement depuis la mi-août par l'aviation turque, ont porté un coup sévère au mouvement.

«Ils veulent se venger. Les opérations aériennes ont causé beaucoup de pertes» dans les rangs du PKK, a assuré dimanche le premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan.

La Turquie agite la menace d'une incursion au sol en Irak, qui serait la 26e depuis que le PKK a pris les armes en 1984, et les préparatifs militaires seraient finalisés à la frontière pour une telle opération qui impliquerait des milliers de soldats.

La dernière incursion remonte à 2008.

Et pour la première fois, la Turquie songe à associer l'Iran, lui aussi en lutte contre un mouvement kurde, le PJAK (Parti pour une vie libre au Kurdistan), a affirmé M. Erdogan.

«Il y a des mesures à l'ordre du jour avec l'Iran. Nous sommes déjà engagés dans un partage de renseignements», a-t-il dit.

«Une telle opération est faisable, mais des difficultés sont en vue», commente Mehmet Yegin, du centre d'études Usak, qui relève notamment le manque quasi total de communication et de coordination entre les capacités militaires des deux pays.

L'Iran, fait-il en outre remarquer, est très critique de la récente décision d'Ankara d'accueillir un radar de l'OTAN, destiné à surveiller ses capacités balistiques.

Et les critiques virulentes d'Ankara à l'égard de la répression du mouvement de contestation en Syrie passent mal à Téhéran qui n'a jamais condamné la violence du régime de Damas.

Les Gardiens de la révolution iraniens ont lancé en juillet une vaste offensive contre les rebelles kurdes opérant dans les zones frontalières du nord-ouest de l'Iran à partir du Kurdistan irakien.

Les combats, incluant le bombardement de camps rebelles en territoire irakien, ont fait des dizaines de morts des deux côtés, dont le numéro deux du PJAK, un mouvement considéré à Téhéran comme la branche iranienne du PKK.

Selon M. Yegin, une nouvelle incursion turque aurait surtout un «effet psychologique» sur les rebelles et servirait principalement à calmer une partie de l'opinion publique turque excédée par les attaques du PKK.

«Le gouvernement turc sait qu'une incursion en Irak n'en finira pas avec le PKK et qu'il faut une solution politique (au conflit kurde), mais il y a une pression de l'opinion publique», souligne M. Yegin.

«Une incursion terrestre semble imminente», estime pour sa part Oytun Orhan, du Centre d'études ORSAM, qui ajoute toutefois que «la question d'une participation de l'Iran reste floue».

Ankara semble avoir reçu le soutien de son allié américain: M. Erdogan est rentré satisfait dimanche des États-Unis où il aurait obtenu le feu vert du président Barack Obama à une liste de demandes, dont l'installation de drones Predator pour frapper et surveiller le PKK.