Les attentats et assassinats perpétrés par les talibans sont le corollaire des coups de butoir infligés par l'OTAN, assure le Pentagone, mais selon des experts, cette tactique permet surtout aux insurgés de se positionner en attendant le retrait des troupes internationales.

Attaque contre l'ambassade américaine et le quartier général de l'OTAN à Kaboul, camion piégé contre une base de la coalition, assassinat de Burhanuddin Rabbani, l'ex-président chargé d'ouvrir un dialogue avec les talibans: les groupes insurgés ont multiplié ces derniers jours les actions spectaculaires.

Face à cela, le message est rodé, le Pentagone se veut rassurant. «Comme les talibans ont perdu le contrôle de territoires l'an dernier», ils mènent moins d'attaques d'envergure contre les troupes de la coalition pour se focaliser sur les «attaques qui font la Une des journaux», a soutenu jeudi le secrétaire à la Défense Leon Panetta devant le Sénat.

Le ministre assure que «ce changement de tactique résulte de leur perte de vitesse et que c'est un signe de faiblesse de l'insurrection».

Près de deux ans après l'envoi de renforts massifs en Afghanistan, l'OTAN certifie avoir «brisé l'élan» des talibans et repris le contrôle de la plupart des régions, permettant une transition de la responsabilité de la sécurité aux forces afghanes et un retrait de la coalition d'ici la fin 2014.

La plupart des experts interrogés par l'AFP ne partagent pas les explications de M. Panetta.

Pour Seth Jones, analyste à la Rand, «le recours aux assassinats n'est pas une nouvelle tactique, ils ont toujours fait partie du répertoire des talibans» et «ne sont pas un signe de qui perd ou qui gagne».

Le général américain Michael Flynn, ancien chef du renseignement militaire en Afghanistan, juge lui que la tactique «n'est pas nouvelle, mais s'est intensifiée au cours de l'année écoulée». Comme son ministre, il considère que c'est «un signe de faiblesse» des talibans.

«Avant il nous arrivait de combattre des formations de 50 à 100 hommes. On ne voit plus ça désormais», plaide-t-il.

La plupart des insurrections dans le monde ont eu recours aux assassinats et aux attentats, rappelle pour sa part Vanda Felbab-Brown, spécialiste de l'Afghanistan à l'institution Brookings.

«Le fait que les insurgés ne contrôlent plus le territoire aujourd'hui ne veut pas dire qu'ils soient forcément battus». Ils «seraient fous de monter des attaques avec des forces massives (contre la coalition) parce qu'ils seraient sûrement massacrés. Tout ce qu'ils ont à faire, c'est maintenir la pression et entretenir la peur», explique-t-elle.

Pour Mme Felbab-Brown, cette stratégie s'avère même «particulièrement efficace»: les assassinats des collaborateurs de l'OTAN et du gouvernement d'Hamid Karzaï «ont un impact profond sur la perception de la sécurité» par les Afghans.

La viabilité de la stratégie de l'OTAN est, elle, sujet à questions, selon les experts.

«Les améliorations sont très précaires et l'une des grandes questions est de savoir si elles seront préservées après 2014» quand l'armée afghane aura la responsabilité de la sécurité, se demande Vanda Felbab-Brown.

«Les progrès en Afghanistan sont-ils seulement temporaires» si les talibans ne sont pas pourchassés dans leurs sanctuaires au Pakistan, s'interroge également Seth Jones. «C'est la question à un million de dollars», reconnaît cet ancien conseiller des forces américaines en Afghanistan.

Pour Anthony Cordesman, expert au Centre pour les études stratégiques et internationales (CSIS), l'avantage n'est pas forcément en faveur de la coalition: «nous gagnons peut-être sur le plan tactique, mais les insurgés peuvent gagner la guerre d'usure politique qui sera au bout du compte stratégiquement décisive».