Des combats à l'artillerie lourde ont fait rage mercredi à Sanaa malgré le cessez-le-feu, mettant en péril les efforts diplomatiques au Yémen meurtri par huit mois de révolte contre le président Ali Abdallah Saleh.

Neuf personnes ont été tuées par balles et 32 blessées lors des accrochages entre partisans et adversaires de M. Saleh, selon un porte-parole du général dissident Ali Mohsen al-Ahmar, rallié à la contestation. Au total, 85 personnes ont péri depuis le regain des violences dimanche à Sanaa.

Face à la violation du cessez-le-feu décrété la veille par le vice-président yéménite Abd Rabbo Mansour Hadi, le médiateur du Golfe Abdellatif Zayani a quitté Sanaa bredouille en disant qu'il reprendrait ses efforts lorsque «les conditions seront favorables» à un règlement du conflit.

Après une nuit calme, des accrochages à la roquette et l'artillerie ont éclaté dans le centre de Sanaa où se trouve la résidence de M. Hadi, selon des habitants. Les tirs ont rapidement gagné en intensité et des obus se sont abattus sur des immeubles où se cachaient des snipers.

«Personne ne peut sortir pour secourir les victimes à cause de l'intensité des tirs», a déclaré un habitant. Dans le quartier, seuls des militaires et des hommes en armes paradaient dans les rues.

Des obus se sont aussi abattus sur la place du Changement, épicentre de la contestation, et sur le siège du commandement des forces du général al-Ahmar, selon une source de l'opposition.

Les habitants se sont terrés chez eux et les commerces et les banques ont baissé leurs rideaux, alors que des milliers d'automobilistes étaient bloqués sur les routes menant à Sanaa dont les accès étaient fermés, selon des témoins.

Les forces de sécurité et l'armée étaient déployées en masse pour les obsèques de 30 victimes de la répression qui se sont déroulées sur la place du Changement.

Les deux camps se sont mutuellement accusés d'avoir violé la trêve, décrétée à l'appel de M. Hadi qui assure l'intérim du chef de l'Etat soigné depuis plus de trois mois en Arabie saoudite après avoir été blessé le 3 juin dans une attaque contre son palais à Sanaa.

Plus au sud, à Taëz, les forces de sécurité et des tireurs embusqués ont ouvert le feu sur une manifestation de dizaines de milliers de personnes, selon des témoins. Depuis dimanche, au moins cinq manifestants ont péri dans cette deuxième grande ville du Yémen, ont indiqué des sources médicales.

Un respect du cessez-le-feu était nécessaire pour donner une chance aux efforts entrepris par l'ONU et le médiateur du Golfe en vue d'une transition du pouvoir au Yémen, agité depuis fin janvier par une révolte contre M. Saleh qui refuse de quitter le pouvoir.

Le vice-président a rencontré séparément M. Zayani et l'émissaire de l'ONU Jamal Benomar à Sanaa. M. Hadi a, selon l'agence officielle Saba, averti que le Yémen est «à la croisée des chemins» et qu'«il n'y a d'autre moyen pour sortir de la crise que le dialogue national».

Interrogé par l'AFP, M. Benomar a déclaré avoir rencontré également le général al-Ahmar et des dirigeants de l'opposition, ajoutant qu'il restait à Sanaa pour d'autres entretiens afin de «favoriser un consensus» sur un mécanisme d'application du plan du Golfe.

Il s'est dit «optimiste» sur un règlement «politique», mais a mis en garde contre une guerre civile «sans un accord».

M. Saleh, au pouvoir depuis 1978, a chargé la semaine dernière M. Hadi de négocier et de signer avec l'opposition un transfert du pouvoir conformément à un projet élaboré par les monarchies du Golfe et prévoyant son départ.

Mais l'opposition exige la signature préalable du plan du Golfe pour engager le dialogue.

L'Occident, principalement les États-Unis, ont appelé à un règlement politique du conflit craignant un plus grand renforcement d'Al-Qaïda au Yémen face à l'affaiblissement du pouvoir central.