À quelques jours de la demande d'adhésion d'un État palestinien à l'ONU, les habitants des quelque 120 colonies israéliennes de Cisjordanie se préparent à des soulèvements. Notre journaliste s'est rendue dans une colonie qui refuse de s'entourer de barrières.

À l'entrée de Kedumim, colonie israélienne près de Naplouse, un gardien est posté à la guérite, un long fusil en bandoulière. Une barrière se soulève pour laisser entrer les voitures.

Mais contrairement aux colonies voisines, Kedumim n'est entourée d'aucune clôture. Il n'y a ni barbelés, ni grillage, ni avertisseur sonore pour repousser les intrus.

«Nous ne croyons pas aux clôtures. Les gens qui sont venus ici avaient connu l'Holocauste. La première mairesse a dit: Nous voulons être libres», explique l'assistante du maire de Kedumim, Shoshana Shillo, qui vit dans la colonie depuis 1978, peu après sa fondation.

À l'approche de la demande d'adhésion d'un État palestinien à l'ONU, les quelque 120 colonies de Cisjordanie se préparent à de grandes manifestations à leurs portes. Elles craignent des «infiltrations» palestiniennes dans leurs enclaves, voire des attaques.

Kedumim compte moins de 5000 habitants, dispersés sur un territoire de plus de 2,3 km2. Les routes asphaltées qui relient les quartiers situés sur des monts et des versants traversent des oliveraies palestiniennes.

Sécurité

Dans le centre de sécurité de Kedumim, des jeunes femmes sont assises derrière une dizaine de petits écrans plats et deux écrans géants. Des caméras placées un peu partout leur permettent de surveiller l'ensemble de la colonie et même au-delà. En zoomant, une des surveillantes montre les rues du village palestinien voisin.

On distingue des enfants à la sortie des classes, leur sac sur le dos, à quelques mètres de l'autobus qui les attend. Lorsqu'on change d'option, l'écran devient noir et blanc: un système de détection thermique permet de percevoir les mouvements aux alentours de la colonie la nuit.

Le système de surveillance fonctionne 24 heures sur 24 et a déjà permis de déjouer des attaques, selon le responsable de la sécurité Yonatan Simkhi. Mais la colonie, qui a été victime d'un attentat suicide en 2006, redoublera de vigilance en prévision de possibles manifestations dans les prochaines semaines.

«Notre plus grande difficulté est que le territoire est vaste et que nous n'avons aucune barrière de protection», note-t-il. Il confirme que l'armée a formé les unités de sécurité internes en prévision d'incidents qui pourraient suivre la demande palestinienne à l'ONU.

Mais il avoue ne pas trop savoir comment se préparer en cas d'arrivée massive de manifestants non armés, avec femmes et enfants aux premières lignes. «On a reçu des instructions, dit-il. L'armée nous a dit qu'elle espérait être là avant, pour que nous n'ayons pas à nous retrouver directement en face des Palestiniens.» S'il n'y a aucun soldat sur place, les colons ont reçu des ordres et des explications sur la façon de tirer, dit-il, en restant évasif.

Selon un rapport obtenu par le journal Haaretz, il y a quelques semaines, on aurait tracé autour de chaque colonie une «ligne rouge», qui fixe la limite à ne pas franchir. Si les manifestants la dépassent, ils risquent de recevoir une balle dans les jambes. L'armée n'a pas voulu confirmer cette information.

Le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, a déjà appelé à de grandes manifestations pacifiques pour soutenir le vote, mais à l'intérieur des zones contrôlées par les Palestiniens.

Annexion

Si les habitants des colonies ne craignent pas le vote à l'ONU, plusieurs exhortent le gouvernement israélien à agir.

«Ce que nous disons, c'est que, en réponse à l'action unilatérale des Palestiniens, Israël devrait faire une action unilatérale pour dire que les communautés israéliennes de Judée et de Samarie (nom que donnent les Israéliens à la Cisjordanie) font partie d'Israël», affirme Dani Dayan, dirigeant de Yesha, principal regroupement de colons.

D'autres vont plus loin. Un petit groupe de colons a mis sur pied la semaine dernière un mouvement controversé, l'«Autorité juive de la terre d'Israël». «Nous ne permettrons pas que soient données nos terres», a dit au téléphone le porte-parole Hillel Weiss. Il affirme que, si le gouvernement d'Israël refuse d'imposer la loi juive en Judée et en Samarie, les membres du mouvement se dissocieront du gouvernement israélien pour créer leur propre entité.

Shoshana Shillo croit que beaucoup de gens essaient de trouver une solution à la question politique. Comme les autres colons des environs de Naplouse, elle s'est installée dans cette région avant tout pour des raisons religieuses. Et peu importe la suite des choses, elle a une certitude: elle ne bougera pas. «Nous avons accepté de payer le prix pour vivre ici, note-t-elle. Nous n'allons pas nous enfuir, peu importe ce qui arrive. Nous allons rester.»

EN CHIFFRES

> Environ 120 colonies en Cisjordanie (sans compter Jérusalem-Est)

> Environ 296 700 colons israéliens en 2009 (192 800 à Jérusalem-Est)

> Environ 99 colonies non reconnues par l'État israélien, où vivent environ 4000 personnes

> Environ 2 568 555 Palestiniens en 2010

(Sources: CIA Factbook, Peace Now)