Le défi lancé à la justice par des rabbins ultranationalistes, minoritaires mais influents, fait planer le spectre de la théocratie en Israël, où la religion n'a jamais été séparée de l'État.

Quelque 2000 personnes se sont rassemblées lundi soir devant la Cour suprême à Jérusalem à l'appel des fidèles des rabbins Dov Lior et Yaakov Yossef, soupçonnés d'incitation «à la violence et au racisme».

Le rabbin de Safed dans le nord du pays Shmuel Eliahu, partisan de la discrimination au logement envers les non-juifs, a indiqué à l'AFP vouloir affirmer que «les lois de la Torah sont au-dessus des lois» civiles.

«Je suis venu parce que je suis choqué qu'ils aient arrêté nos rabbins», a expliqué Daniel Dannon, étudiant d'école talmudique de 19 ans, au sujet de leur brève interpellation pour avoir refusé de répondre à une convocation de la police.

Mais il a assuré se dissocier, comme de nombreux participants, du traité de théologie très controversé auquel les deux rabbins ont donné leur imprimatur, la «Torah du Roi», qui justifie l'exécution d'innocents non juifs, y compris des enfants, en cas de guerre.

Les deux religieux accusent la justice de «vouloir étouffer la voix de la Torah» en leur refusant d'exprimer des opinions fondées sur la tradition rabbinique.

En face, le camp laïc s'alarme de la montée en puissance d'«un courant nouveau dans le judaïsme qui veut la mort de l'Etat de droit», titre lundi du quotidien populaire Maariv.

Selon le journal, Israël est «devenu le seul pays du monde où des figures religieuses sont au-dessus des lois et où des policiers n'ont pas le droit de les interroger».

Dans la même veine, la chef de l'opposition Tzipi Livni, a fustigé «un groupe qui ne reconnaît pas l'autorité des juges et veut la remplacer par celle des rabbins».

Le fondateur du sionisme Theodor Herzl excluait dans son livre «l'Etat des Juifs» (1896) que le futur État soit une théocratie.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu lui-même a dénoncé en Conseil des ministres l'attitude des rabbins.

Mais M. Netanyahu, chef du Likoud (droite), s'est borné à relever que «nul en Israël n'était au-dessus des lois» alors que des députés de son parti jugeaient les convocations malvenues.

Les rabbins nationalistes comptent quelques milliers de partisans, en grande majorité des colons de Cisjordanie occupée, mais disposent du soutien actif de l'extrême droite et d'un appui plus réservé du camp ultra-orthodoxe.

Des colons nationaux-religieux ont multiplié ces dernières semaines les menaces voire les agressions, à l'encontre d'officiers et de représentants de la loi qu'ils accusent de freiner la colonisation.

Le camp ultra-orthodoxe, moins radical, craint que ces interpellations ne créent un précédent, qui permettrait de sanctionner des avis rabbiniques au nom de la lutte contre le racisme.

Toutefois, le père du rabbin Yaakov Yossef, le chef spirituel du parti séfarade ultra-orthodoxe Shass, le rabbin Ovadia Yossef, a désavoué vertement son fils, arrêté dimanche matin pour un bref interrogatoire.

«Pourquoi cet idiot n'a-t-il pas répondu à une convocation de la police?», a fulminé le rabbin Ovadia Yossef, selon les médias.

La semaine précédente, le rabbin Dov Lior, leader spirituel de la colonie de Kiryat Arba et de la communauté juive de Hébron (Cisjordanie), avait été brièvement interpellé pour le même motif.

Il avait lancé en 1995 les pires anathèmes contre le premier ministre de l'époque Yitzhak Rabin, ce qui lui avait valu d'être soupçonné d'avoir influencé son assassin Yigal Amir.

«C'est alors qu'il aurait fallu arrêter le rabbin Lior», estime le quotidien à grand tirage Yediot Aharonot, qui se dit certain que les deux rabbins ne seront pas poursuivis, quand bien même l'autorité judiciaire voudrait sauver la face.